La dénomination «Amérique» fête ses 500 ans

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Publié 24/04/2007 par Gabriel Racle

Comment se fait-il que ce continent, dont Christophe Colomb a fait connaître l’existence au monde occidental de l’époque, en 1492, porte le nom d’Amérique? D’autant qu’on ignorait alors les incursions des Vikings dans ce qui est maintenant l’Amérique du Nord. Le nom de l’Amiral de la Mer Océane n’aurait-il pas dû être donné à ces nouveaux pays, si cet homme était l’auteur de «l’événement le plus important dans l’histoire du monde, à l’exception de la naissance et de la mort du Christ…», comme l’écrivait Francisco Lopez de Gomara en 1552?

Il n’en a rien été et pour plusieurs raisons sans doute. En fait, si Christophe Colomb a découvert l’Amérique, il ne l’a jamais su, car il était persuadé d’avoir découvert les Indes ou la Chine, l’objectif réel de ses voyages.

Comme l’écrivait en novembre 1693 le célèbre humaniste Pierre Martyr D’Anghiera, «Christophe Colon, un Ligure, proposa avec succès aux rois catholiques, Ferdinand et Isabelle, de partir à la découverte des îles proches de l’Inde par la route occidentale..». Cet auteur est aussi le premier à utiliser dans ses écrits, dès 1494, l’expression «Orbe novo», «Nouveau monde».

Pendant plus de 150 ans, l’Espagne appellera officiellement les territoires dont Colomb a pris possession au nom du roi d’Espagne «les Indes». D’où la dénomination d’Indiens, appliquée aux habitants de ces contrées, et la confusion avec les véritables Indiens que sont les habitants de l’Inde. Cette «découverte» des Indes peut expliquer une relative discrétion de Colomb; et une nouvelle appellation ne semblait pas nécessaire pour ces pays, Colomb baptisant, souvent de noms religieux, les nombreuses îles qu’il découvre au cours de ses quatre voyages.

Mais un autre navigateur entre en scène, le florentin Amerigo Vespucci. Né le 9 mai 1452 dans une famille très cultivée, fils d’un notaire, il s’intéresse aux mathématiques, à l’astronomie, à la cosmographie et à la physique. Il passe deux ans en France avec son oncle. Il y rencontre de nombreuses personnes de la cour du roi Louis XI et Bartolomé Colomb, frère du célèbre explorateur, qui vient voir le roi afin d’obtenir un financement pour les expéditions de son frère.

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De retour en Italie, il travaille comme intendant de la famille des Médicis qui l’envoient à Séville, en Espagne, en 1491, comme responsable de leur banque. À Barcelone il rencontre Christophe Colomb qui revient de sa première expédition. Les hommes se lieront d’amitié et Vespucci s’occupe du financement de la deuxième expédition qui débute en 1493.

Mais finalement, il décide de partir lui-même en exploration. D’après ses écrits, car on n’a pas d’autres preuves, il aurait fait quatre voyages, 1497 (Amérique centrale), 1499 (Venezuela, Petite Venise, qu’il appelle ainsi à cause des maisons sur pilotis), 1501 et 1503 (avec les Portugais).

De ses explorations de la côte d’Amérique du Sud, il aurait déduit qu’il avait affaire à un nouveau continent, et non, comme le croyait Colomb, à une île proche des Indes. Il relate ses voyages dans quatre lettres dont une, judicieusement intitulée Mondus Novus (Nouveau Monde), est un récit en italien destiné à des lecteurs cultivés. Elle a du succès, surtout par ses anecdotes sur la vie des indigènes. Traduite en plusieurs langues, elle circule partout en Europe dès 1503.

Une copie des récits de Vespucci parvient au duc René II de Lorraine, qui la communique à un groupe d’intellectuels de sa ville de Saint-Dié, qui s’intéressent à la cosmographie. Parmi eux, Martin Waldseemüller (1475-1521) est considéré comme un savant géographe. Il travaille à une réédition de la Geographia de Ptolémée (vers 90-168?), pour compléter les travaux du savant grec à la lumière des nouvelles découvertes.

Il réalise une carte du monde, basée sur le récit des voyages d’Amerigo Vespucci, Universalis cosmographia…, imprimée à Saint-Dié en 1507 selon la technique de la xylographie, sur douze planches séparées qui forment un document monochrome de 2,32 m de long sur 1,29 m de large. On y voit, à gauche de l’Afrique et de l’Europe, un nouveau continent séparé de l’Inde et de la Chine par un océan.

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Pour accompagner cette carte, paraît un petit livret daté du 25 avril 1507, la Cosmographiae Introductio. En latin, Waldseemüller écrit: «Aujourd’hui ces parties de la terre (l’Europe, l’Afrique et l’Asie) ont été plus complètement explorées, et une quatrième partie a été découverte par Amerigo Vespucci, ainsi qu’on le verra plus loin.

Et comme l’Europe et l’Asie ont reçu des noms de femmes, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amerigé c’est-à-dire terre d’Amerigo, d’après l’homme sagace qui l’a découverte. On pourra se renseigner exactement sur la situation de cette terre et sur les coutumes de ses habitants par les quatre navigations d’Amerigo qui suivent.» Ainsi, dans une petite ville de province, l’Amérique est baptisée. Les corrections ultérieures ne changeront rien.

Des quelque 500 exemplaires du tirage de 1507, une seule carte a été sauvegardée. Le Congrès des États-Unis, qui l’a acquise, l’expose au Capitole pour la commémoration des 500 ans du nom «Amérique».

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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