À l’image de son héroïne, la belle Gabrielle qui affiche souvent le même air froid et implacable, le long métrage éponyme de Patrice Chéreau se veut tout aussi tranchant et cruel. Mais Gabrielle, c’est aussi un film très lucide – et c’est peut-être là son plus grand mérite – dans la façon dont il expose les derniers instants d’un couple brisé par les convenances et les années de solitude.
Après Intimité du même réalisateur, les relations amoureuses se -retrouvent de nouveau sur le fil du rasoir alors que Chéreau saisit un homme et une femme, non plus là où leur histoire commence, mais bien là où elle finit.
Quand deux êtres découvrent qu’ils n’ont plus rien à se dire, leurs derniers soupirs et soubresauts sonnent comme les notes d’un violon mal accordé, symphonie morbide clamant le post-mortem du couple. Et c’est exactement ce qui se passe dans Gabrielle. Entre cruauté et lassitude, l’homme et la femme se fuient, se retrouvent, se déchirent et déclinent ainsi au pluriel l’impossibilité de vivre à deux.
Chéreau est connu pour ses grandes fresques historiques (La Reine Margot) où chaque geste, chaque mouvement des protagonistes est épié par l’ennemi, et s’enveloppe d’une atmosphère tendue, à couper au couteau. Le spectateur retrouve cette même pesanteur à l’oeuvre dans Gabrielle.
Chéreau met en scène un huit-clos étouffant où les deux protagonistes sont confinés dans un espace réduit, le nid conjugal, somptueuse demeure de la Belle Époque. Ils y ont tous deux connu un semblant de bonheur, puis plus rien. Désormais, leur appartement de luxe ressemble à un château de paille, gigantesque tombeau béant qui emportera avec lui les cendres de leur amour.