La cyberguerre est-elle en cours?

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Publié 25/01/2011 par Gabriel Racle

Les guerres se suivent et ne se ressemblent pas. Les armements changent, les stratégies changent. Les raids de chars d’assaut ont remplacé les charges de cavalerie. La guerre de mouvement a remplacé la guerre de tranchées. La guerre froide a succédé à la guerre chaude des obus et des bombes. Les technologies s’affinent et maintenant, dans l’ombre, la guerre numérique est arrivée.

L’Estonie, un pays de la mer Baltique annexé autrefois par l’URSS, conserve une frontière avec la Russie. Membre de l’Union européenne, l’Estonie est aussi membre de l’OTAN depuis 2004.

C’est un pays très informatisé, un laboratoire d’une société passée au «tout Internet». L’Estonie possède le premier «e-gouvernement», tous les documents de travail n’existent que sur écran. 95 % des contribuables font leur déclaration de revenus en ligne, et chacun peut accéder sur écran à tous ses documents administratifs.

Le 26 avril 2007, une série d’attaques ont visé les systèmes informatiques des principales institutions gouvernementales, politiques, médiatiques, économiques du pays, pour en paralyser les centres vitaux.

D’après le gouvernement estonien, la Russie aurait lancé cette offensive contre cet État «cyberdépendant», car le centre de cyberdéfense de l’OTAN est maintenant basé à Tallinn, la capitale.

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Encore les Russes

On se souvient du conflit entre la Russie et la Géorgie, un pays du Caucase, à l’été 2008. Alors que la tension grandissait entre ces deux pays, les 19 et 20 juillet, le site Internet du président géorgien fait l’objet d’attaques provenant de plusieurs centaines d’ordinateurs qui saturent son site. Les attaques redoublent en août, avec l’entrée de l’armée russe en Ossétie du Sud, territoire géorgien.

Les sites des médias, ministères et institutions sont visés, dont des réseaux de commandement militaire, perturbant ainsi une réaction de l’armée et de l’aviation géorgiennes.

La Pologne propose de loger les sites Web géorgiens et Tallinn dépêche des équipes techniques pour aider les Géorgiens. «La cybersécurité, la cyberdéfense et la cyberoffensive existent, c’est un fait», constatait alors le ministre estonien de la Défense.

Nicolas Arpagian

Ces deux exemples font penser à une véritable guerre de type militaire, mais la cyberguerre est plus complexe et touche bien des domaines. Il n’est pas si facile de s’y retrouver, même si nous pouvons être directement concernés. C’est pourquoi un ouvrage de base traitant des différents aspects de cette question complexe est le bienvenu.

C’est ce que nous offre Nicolas Arpagian, La Cyberguerre – La guerre numérique a commencé, Paris, Vuibert, 252 p.

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Cet ouvrage d’un spécialiste est publié sous la direction scientifique du directeur de l’Institut d’études et de recherches pour la sécurité des entreprises.

«Notre monde se structure aujourd’hui autour de la compétition pour le savoir. Celui qui en sait plus et avant les autres acquiert un avantage décisif sur ses compétiteurs. Dès lors, perturber les réseaux, les architectures immatérielles à la base de l’économie numérique et de la connaissance, permet de paralyser une collectivité entière», écrit-il dans l’avant-propos du livre.

En quelques chapitres, l’auteur aborde les domaines en jeu dans les batailles qui se livrent dans les «cyberterritoires» ou le «cyberespace», et qui ressemblent à ces raids mens par des commandos militaires très spécialisés dans des territoires ennemis ou soupçonnés tels, et dont il n’est jamais question publiquement. Tout se passe dans l’ombre.

Conséquences pour les populations

Les titres des chapitres révèlent le contenu que détaille l’auteur: Cyberguerre: un concept né de la science-fiction, Une histoire qui mêle technique et pouvoirs, La cyberguerre: composante majeure d’une stratégie de puissance et de sécurité, La cybercriminalité devient un vecteur de la déstabilisation éthique, Les organisations étatiques de la sécurité.

Nicolas Arpagian dégage cinq familles d’impacts possibles des attaques informatiques: conséquences physiques pour la population, avec des services médicaux et de secours hors d’usage; paralysie des transports; perturbations de l’environnement (alimentation en eau, électricité…) et de l’économie (pertes industrielles, financières, sociales); conséquences politiques (désordres publics…); conséquences de la combinaison des circonstances ci-dessus.

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Cheval de Troie

L’auteur donne de nombreux exemples de piratage d’ordinateurs reliés à Internet via un Cheval de Troie. S’il faut «trois minutes pour qu’un ordinateur relié pour la première fois à Internet fasse l’objet d’une tentative de connexion», en 15 minutes, grâce au maillage informatique, il est «possible en théorie d’infecter plus de trois cent mille machines».

De récents titres de journaux sonnent l’alerte: «La cyberguerre est devenue une menace réelle». D’après le New York Times du 16 janvier, les services du renseignement israéliens et américains ont collaboré au développement du virus informatique Stuxnet, pour saboter le programme nucléaire iranien.

Stuxnet infecte un logiciel Siemens de contrôle des automates industriels, utilisé dans les secteurs de l’eau, des plateformes pétrolières et des centrales électriques. Il semble avoir aussi touché l’Inde, l’Indonésie ou le Pakistan.

La conclusion de la préface du criminologue Alain Bauer s’impose donc: «Un ouvrage à lire pour ne pas rater l’actualité à venir.»

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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