La communauté francophone et artistique de Toronto est capable d’échanges, de découvertes et de ressourcement

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Publié 13/12/2005 par Guy Mignault, directeur artistique du TFT

Cher Daniel Soha, j’ai lu avec intérêt votre article, intitulé «Hors de Shakespeare et de Mirvish, point de salut» (publié dans L’Express de la semaine dernière) dans lequel vous déplorez le peu d’intérêt que manifestent les francophones de Toronto pour la magnifique pièce Littoral de Wajdi Mouawad présentée en ce moment au Factory Theatre.

De manière générale, vous regrettez aussi le peu de cas que les Torontois, toutes origines linguistiques confondues, font de la culture. Selon vous, l’expression théâtrale dans la région de Toronto serait confinée aux festivals de théâtre classique, les festivals Stratford et Shaw, pour ne citer qu’eux, et les grosses productions de la maison Mirvish.

J’ai lu votre article avec d’autant plus d’intérêt que je dirige la seule compagnie de théâtre francophone à Toronto et dans le sud de l’Ontario capable d’offrir une saison régulière de productions francophones d’ici ou d’ailleurs: le Théâtre français de Toronto (TfT). Et je dois dire que votre article m’a beaucoup chagriné.

D’abord, vous semblez remettre en cause l’existence même d’une communauté francophone à Toronto parce qu’elle n’aurait pas de «lieu géographique», de «lieux de culte et de réunion» où l’on se rencontre, où l’on discute et où l’on se dispute. Rappelons que les francophones sont théoriquement chez eux partout à Toronto puisque le français est l’une des deux langues officielles du Canada.

Surtout, je ne crois pas que l’on puisse affirmer que la communauté francophone n’a pas ses lieux de rencontre. J’en veux pour preuve le succès du TfT que j’ai le bonheur de diriger depuis huit ans et qui existe depuis 1967. Bientôt 40 ans! Beaucoup de compagnies de théâtre anglophones nous envient l’ambiance chaleureuse et conviviale qui règne dans notre théâtre, situé sur la rue Berkeley.

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La grande majorité de nos abonnés et nos donateurs se connaissent et une soirée au TfT est l’occasion pour eux de se retrouver. Un nombre remarquable d’entre eux nous soutiennent et viennent voir nos spectacles depuis plus de 10, 15, voire 20 ans. Je peux vous affirmer sans détour que le TfT, avec sept productions et près 10 000 billets vendus par saison (tournées non comprises), est l’un des principaux points de rencontre des francophones installés de longue date dans cette ville.

En plus, depuis avril 2005, nous proposons des représentations surtitrées en anglais pour certains de nos spectacles afin que nos abonnés et notre public en général puissent venir accompagnés par leurs amis et leur conjoint qui ne parlent pas forcément français. Ces surtitres sont très appréciés et cette initia-tive démontre, à mon humble avis, la capacité d’adaptation de notre communauté.

Vous condamnez ensuite un certain théâtre qui «pour avoir des subventions, se nourrit de la vie de quartier et s’accommode mal du théâtre contemporain, surtout s’il vient de l’étranger ou de ce Québec si débridé et mal famé».

Même si vous ne visez pas directement le TfT que vous ne mentionnez nulle part dans votre article, je me permettrais de préciser que le TfT est une compagnie éclectique qui crée, produit et accueille des productions théâtrales d’ici et d’ailleurs. Il s’adresse à tous les amateurs de théâtre en français et pas seulement les francophones d’origine. En plus de présenter un répertoire canadien et interna-tional, la programmation et les activités du TfT portent une attention toute particulière au jeune public et permettent aux artistes de se développer dans leur art tout en vivant en français à Toronto.

La création occupe une place importante au TfT afin de donner la chance au public de découvrir des oeuvres nouvelles et de montrer la vivacité de la création en français au Canada anglophone, comme Confiance! et Bang! du Franco-Manitobain Luc Moquin que nous présenterons du 5 au 9 avril 2006.

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Tous les ans, le TfT est l’objet de nombreuses nominations aux Doras (les prix Dora récompensent l’excellence artistique des arts de la scène à Toronto) et aux Masques à Montréal. L’année dernière, nous avons présenté une production belge Est-ce qu’on ne pourrait pas s’aimer un peu? du Théâtre Loyal de Trac de Bruxelles qui a remporté à Toronto un prix Dora en juin dans la catégorie de la meilleure production en tournée. Nous en sommes fiers! Depuis plusieurs années, nous multiplions les coproductions avec les compagnies francophones du Canada et invitons régulièrement des productions d’ailleurs, de Vancouver, d’Ottawa, de Montréal et de l’étranger.

Dernièrement, nous avons accueilli Slimane Benaïssa en personne qui est venu présenter sa pièce Prophètes sans Dieu et nous avons produit deux pièces du français Eric-Emmanuel Schmitt Le Visiteur et Oscar et la dame en rose. En ce moment, je joue dans une coproduction du TfT, du théâtre la Catapulte d’Ottawa et du théâtre Blanc de Québec, La Société de Métis, pièce écrite par Normand Chaurette, l’un des rares dramaturges canadiens à avoir été joués à la Comédie française et au Festival d’Avignon. C’est la preuve, me semble-t-il, que la communauté francophone et artistique de Toronto est bien capable d’échanges, de découvertes et de ressourcement.

Et les exemples sont trop nombreux à Toronto pour tous les citer: l’Alliance française de Toronto multiplie les initiatives culturelles (conférences, expositions, etc.), l’Office national du film propose régulièrement des projections de films et des rencontres en français, Cinéfranco est le rendez-vous incontournable des amateurs de cinéma francophone, le théâtre La Tangente a été récemment nominé aux Masques, etc.

En conclusion, je vous invite à venir faire un tour sur un des «îlots de dialogue, de création, de talent et de courage» qu’on appelle le TfT. Venez voir La Société de Métis que nous présenterons du 15 au 26 février 2006. Cette coproduction est le fruit de l’union de créateurs et d’artistes francophones de Toronto, d’Ottawa et de Québec. À bientôt au théâtre!

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