On ne pense pas assez au Père Noël. Pourtant, tout en cheminant vers cette fichue cheminée, je me disais que sa grande grosse abracadabrante grotesque construction de brique et de broc devait disparaître de la Galerie d’art de l’Alliance française de Toronto. C’est vrai, elle obstruait le passage et parfois, quand vous vouliez vous faufiler malgré tout, elle se rapprochait, vous coinçant, un verre de vin à la main, entre elle et le mur, les soirs de réception. Vous savez, au moment où une autre main amicale vient justement secouer la vôtre – oui, celle qui tient fébrilement votre verre. En fait, il y avait plusieurs moyens d’éradiquer cette masse de briques. Mais, vous avez raison, on ne pense pas assez au Père Noël.
On a d’abord imaginé de demander à tous les écrivains et à leurs robustes confrères, qui fréquentent régulièrement l’Alliance, de venir faire une corvée de démolition tous les week-ends. Remporter chez soi, de temps en temps, un panier de briques historiques aurait dû être excitant. Mireille était prête à en remporter deux sacs. Mais il y a toujours des êtres fragiles parmi les intellectuel(le)s – sauf Marc qui avait apporté de la dynamite dans ses sacoches de vélo – mais ça aurait fait trop de bruit et on l’a branché sur ses éclairages. Et puis, il y avait encore des réticences au sujet du Père Noël.
Néanmoins, cette idée fixe d’obstacle sur un chemin de penseurs/penseuses, suivait son cours. Il suffirait sans doute d’utiliser un peu de magie. On a donc crié très fort, un soir de Halloween, tous ensemble: ABRACADABRIQUES! Mais nos voix n’étaient pas assez fortes pour faire éclater la brique. C’est là que les maçons démolisseurs sont apparus. Quelle Histoire!
Il avait fallu creuser, plus profond que le soubassement, en direction du Pacifique, un trou énorme. Quand ça a commencé à sentir le pétrole, Jean-Claude Duthion, le directeur, qui est écolo, a dit d’arrêter. Entre temps, la cheminée avait disparu, remplacée par un large trou dans le toit! Et c’est là qu’Il est apparu! Qui? Vous l’avez deviné! Le Père Noël!
On l’apercevait, à califourchon sur une étoile. C’est triste, un Père Noël sans cheminée. On voyait bien qu’il faisait une drôle de tête, le bonnet de travers, le regard fixé sur ce trou béant dans le toit de l’Alliance. Moi, je me sentais coupable. J’ai écrit plusieurs histoires sur lui, dans le passé: le Noël du Petit Chaperon rouge, les œufs de Pâques du Père Noël, le Noël du Petit Jésus… Je lui ai toujours donné le beau rôle, mais je voyais bien qu’il était embêté et m’en voulait à cause de ce tas de briques disparu, Il fallait faire quelque chose.