Justice: les Ontariens pourront bientôt s’excuser

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Publié 28/10/2008 par Vincent Muller

Un projet de loi sur les excuses est actuellement en débat à la législature de l’Ontario. Il s’agit d’une loi qui permettrait aux particuliers et aux personnes morales de présenter des excuses à une tierce personne sans que ces excuses ne soient retenues contre elles pour prouver leur culpabilité lors d’un procès.

Présenter des excuses signifie en quelque sorte reconnaître une faute commise et pourrait se retourner contre la partie responsable en cas de procès, même si la personne est de bonne volonté. C’est pour éviter cela et pour répondre au besoin de compassion des victimes que des lois de ce types sont mises en place.

De telles lois existent depuis peu en Colombie-Britannique, dans la Saskatchewan, au Manitoba et Yukon. Mark Power, avocat à Ottawa nous explique que ces lois ont été inspirées de lois américaines passées dans 35 États américains. Elles ont permis la résolution plus rapide de certains dossiers ou même évité que les dossiers ne se rendent en cour. Il précise que dans certains états, la loi sur les excuses ne s’applique que dans le domaine médical. En Ontario, cette loi serait une loi générale, c’est-à-dire non limitée à un contexte précis.

L’avocat explique que, pour la personne qui voudrait présenter des excuses, la peur de voir les compagnies d’assurance ou son employeur se retourner contre elle l’empêche d’exprimer des regrets alors que c’est parfois la seule chose que demandent les victimes, spécialement dans le domaine médical.

La loi à l’étude prévoit donc d’empêcher les employeurs ou les assureurs de se retourner contre la personne qui a commis une faute et présenté des excuses. Si un procès est ouvert, il faudra fournir d’autres preuves pour pouvoir statuer sur le cas de la personne accusée.

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Cependant le but est tout de même, à partir du moment où des excuses sont formulées, d’apaiser les choses et éventuellement de mettre en place une négociation entre les deux parties permettant d’éviter d’en arriver à un procès. La personne responsable peut en effet proposer une compensation et se mettre d’accord avec la victime. Selon Mark Power, il s’agit d’une méthode «gagnant-gagnant» ou tout le monde trouve un interêt à ce que le procès soit évité.

François Larocque, professeur adjoint à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, évoque des projets pilotes à Toronto et Ottawa qui obligent la médiation avant un procès civil afin d’éviter ou d’écourter le procès. Selon lui ce projet de loi s’inscrit dans cette tendance qui permet aux gens de donner des excuses tout en limitant les effets juridiques.

La loi sur les excuses ne visera que les poursuites civiles et non les poursuites criminelles. À ce propos, Mark Power fait remarquer qu’en deuxième lecture, un député a soulevé la question de la cohérence entre criminel et civil. Il prend l’exemple d’un cas où il pourrait y avoir une poursuite criminelle et civile en expliquant que si une personne présente des excuses ne pouvant être utilisées pour les poursuites civiles elles pourraient l’être au criminel. Certains avocats pourraient donc, dans de tels cas, conseiller à leurs clients de ne pas présenter d’excuses.

Selon l’avocat qui nous a fait part de ses impressions, il y aurait lieu d’ajouter un article précisant que les excuses ne devront pas être utilisées comme preuve dans le cadre de poursuites criminelles. Il ajoute que, «le code criminel étant du ressort du fédéral et non du provincial comme le code civil, il n’est pas sûr que Queen’s Park puisse ajouter un tel article».

François Laroque lui, explique qu’en général, lorsqu’il y a deux poursuites, la procédure criminelle précède la procédure civile et que, par conséquent, c’est cette dernière qui prend en compte la procédure criminelle et non l’inverse ce qui ne remettrait pas en jeu la présentation d’excuses (puisqu’elles ne pourraient pas, dans ce cas, être utilisées dans la procédure criminelle).

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Il souligne aussi que la loi est silencieuse sur la possibilité pour la cour de considérer les excuses concernant les dommages et intérêts. La personne qui présente les excuses pourrait invoquer cela pour montrer qu’elle est de bonne foi et ainsi régler seulement les dommages compensatoires et non les dommages punitifs (relatifs à un comportement choquant de l’individu) ou majorés (relatifs aux préjudices exacerbés, c’est-à-dire lorsque l’on estime qu’il y a eu insouciance de la part de la victime).

Bien sûr la loi n’empêchera pas le procès dans les cas ou la victime à besoin de compensations physiques ou matérielles trop importantes et la présentation d’excuses n’empêche pas non plus la possibilité de trouver des circonstances atténuantes.

Quoi qu’il en soit, les deux juristes à qui nous nous sommes adressés voient ce projet de loi comme quelque chose de positif. Ils sont d’accord sur la valeur des excuses qui ont des effets moraux et psychologiques et sont conscients que cela engendrera de grands changements dans leur façon de travailler.

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