Pour ceux qui sont dans la soixantaine ou même la cinquantaine, des chansons comme Nuit et brouillard ou Que serait-ce sans toi? rappellent le très doux souvenir de Jean Ferrat. Spécialiste de la chanson française, Daniel Pantchenko a récemment signé une biographie de ce virtuose décédé le 13 mars 2010. C’est un ouvrage qui offre plein d’anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres.
Jean Tenenbaum, de son vrai nom, est né le 26 décembre 1930. Fils de Mnacha Tenenbaum, immigré russe qui s’établit en France en 1905, Jean n’apprendra que sur le tard que son père était juif. Il a huit ans lorsqu’Hitler envahit la Tchécoslovaquie et annexe la Bohème-Moravie. L’enfant n’en guérira jamais. Avec des chansons comme Nuit et brouillard, Potemkine, Maria et Camarade, il cultivera «un impérieux devoir de mémoire, de classe même, unique dans la chanson française».
En se confiant à un journaliste, Ferrat transcrit «la blessure intime de l’homme» lorsqu’il affirme qu’«on porte son enfance toute sa vie. […]
Le racisme, le nazisme, je les ai découverts à onze ans. Je ne savais pas que mon père était juif, je ne savais pas que c’était mal d’être juif. […] Je ne pourrais jamais plus tolérer le racisme sous quelque forme que se soit.»
Jean Ferrat passe sa première audition en 1953 (22 ans) et un certain Claude Nougaro se risque à le faire monter sur les planches de la butte Montmartre. Ainsi commence sa période d’apprentissage, de débrouillage et d’expériences diverses aussi nécessaires qu’improbables. Il se frotte régulièrement au public pour apprendre son métier.