Le 6 avril dernier, l’Alliance française a accueilli le professeur Jean Baubérot, docteur en histoire et sciences humaines et président d’honneur de la section des sciences religieuses de l’École pratique des Hautes Études à la Sorbonne. Le spécialiste français de la laïcité s’est prêté pendant un peu plus d’une heure à l’exercice de la conférence, distillant sa connaissance du sujet agrémentée de faits historiques et d’actualité majeurs, sur un thème particulièrement polémique: «Islam et politique en France, quelle intégration?» L’occasion de revenir sur un sujet qui demeure omniprésent en France, tant au niveau médiatique, que politique et social.
Si certains points, faute de temps, n’ont pu être évoqués, comme la publication des caricatures de Mahomet par le quotidien France Soir ou les récentes émeutes de novembre dans les banlieues françaises, une chose est indéniable. À ce jour, Jean Baubérot, titulaire de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité est l’un des spécialistes les plus à même d’analyser la question de la laïcité en France.
Une question extrêmement complexe, qui selon lui, est indissociable de l’histoire de la France et de celle de l’Islam: «Il est impossible de parler d’Islam et de laïcité en France sans évoquer le passé catholique de l’Hexagone. La France, même si l’Église est aujourd’hui séparée de l’État, est un pays culturellement ancré dans le catholicisme de part son architecture, sa culture et ses monuments. La France est un pays laïque mais pas athée, et la différence est majeure.»
Un constat légitime, qui régit toute la dimension géostratégique de l’intégration de l’Islam en France, et d’une manière plus large en Europe. Mais si l’histoire est la base de la compréhension du phénomène, l’actualité permet de l’appréhender avec plus de pertinence, comme le souligne le conférencier: «La véritable histoire de l’intégration de l’Islam en France débute en 1975, alors que les premières vagues d’immigration sont déjà installées. Elles habitent pour la plupart dans des cités de transit, et vu la conjoncture économique, toute personne habitant en France est susceptible de profiter de l’ascension sociale.»
Une ascension qui laisse entrevoir évidemment quelques avantages matériels inhérents au changement de statut, comme le changement du lieu d’habitation. Une mobilité sur laquelle compte le pouvoir politique pour éviter la formation de quartiers communautaires.
Mais avec la fin des Trente glorieuses, la situation se dégrade. La crise pétrolière, que l’on pense alors passagère, s’inscrit dans la durée et provoque une hausse du chômage et un durcissement de la politique d’immigration. Seules les familles déjà installées ont la possibilité de faire venir leurs proches en France, et une certaine ghettoïsation commence à prendre forme alors que la société se fige au fil des mois.