Industrie automobile: des milliards pour devenir plus verte?

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Publié 09/12/2008 par Agence Science-Presse

Le sauvetage des géants américains de l’automobile peut-il être l’occasion de donner un coup d’accélérateur à l’innovation technologique, en vue de construire des véhicules plus écologiques? Quand la crise financière et l’écologie convergent…

Au moment où ces lignes sont écrites, les élus américains, à Washington, débattent de la légitimité de verser un petit 25 milliards de dollars (un de plus) pour sortir l’industrie automobile du fossé. Une aide d’urgence qui pourrait sauver 10 000 emplois directs, et plus d’un million d’emplois indirects, selon les évaluations les plus pessimistes.

Ce scénario n’est pas sans déchaîner la fureur de chroniqueurs, et pas seulement ceux de droite (qui y voient une intrusion inacceptable du gouvernement dans le libre marché). À gauche, l’économiste Paul Krugman, qui écrit dans le New York Times — et qui, accessoirement, a décroché le Nobel d’économie le mois dernier — se défoule contre General Motors et sa politique «inepte» de véhicules dévoreurs d’essence: «nous devons subventionner Détroit pour qu’il puisse innover? Dans quel secteur êtes-vous donc, si ce n’est pas de l’innovation technologique?»

C’est que plusieurs écologistes voient dans cette aide d’urgence une occasion pour serrer la vis: oui aux 25 milliards, mais assortis de l’obligation de prendre un virage vert — économies d’essence, productivité et design, et bien sûr transition vers les voitures électriques. Or, comme le rappellent Krugman et d’autres, ce scénario souffre d’un handicap majeur: ce ne sont pas les occasions de faire de tels virages qui ont manqué depuis… 1973, année de la grande crise pétrolière.

Non, poursuit Krugman dans son indignation, au lieu d’investir dans l’innovation technologique «GM a dépensé beaucoup trop d’énergie à faire du lobbying pour protéger ses dévoreurs de carburant.» Le blâme doit être partagé par les élus du Michigan (où se trouve Détroit) qui, «année après année, ont voté pour quoi que ce soit que les fabricants automobiles et leurs syndicats leur demandaient de voter», incluant l’opposition à toute législation sur les économies d’essence ou les normes antipollution. Pendant ce temps, les concurrents en Europe et en Asie prenaient les devants.

Car toute l’industrie automobile mondiale n’est pas à ce point dinosaurienne. Plus tôt ce mois-ci, on annonçait l’ouverture d’une nouvelle usine Honda de 154 millions $ à Alliston, en Ontario, vouée à produire « 200 000 voitures 4-cylindres économiques en carburant ». C’est ce genre d’annonce qu’il faut s’attendre à voir passer, si le Congrès américain accorde à General Motors l’aide qu’elle réclame — parce que la nouvelle majorité démocrate, si elle dit oui, voudra nécessairement imposer de telles conditions.

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On peut penser par exemple à un plan d’affaires qui inclurait la transformation de tous les futurs véhicules en un engin hybride électrique, qui pourrait de surcroît rouler à l’éthanol.

«Lorsque cela deviendra possible dans les prochaines années, nous devrions exiger de chaque voiture gouvernementale qu’elle soit une hybride rechargeable. Plus largement, nous devrions faire en sorte que, dans l’espace d’une décennie, chaque nouvelle voiture vendue aux États-Unis puisse rouler sur plusieurs types de carburants. Nous pourrions progresser sur cette voie en offrant aux fabricants un crédit d’impôt de 100 $ pour chaque réservoir polyvalent installé avant la fin de la décennie.»
Qui écrivait ces lignes? Un certain sénateur de l’Illinois appelé Barack Obama, en mars 2006.

Mais si ce virage technologique semble simple sur papier, il pourrait s’avérer difficile face au facteur humain. Il ne suffit en effet pas d’investir 25 milliards $ pour changer les chaînes de montage, il faut former des milliers de travailleurs, en mettre à pied plusieurs pour les remplacer par d’autres, moins nombreux, mais plus qualifiés — et les syndicats de l’automobile sont très puissants aux États-Unis — il faut aussi remplacer une bonne partie des hauts dirigeants — combien demanderont-ils en primes de départ?

Au point où certains imaginent la plus radicale des solutions: laisser GM faire faillite serait la seule façon de redémarrer sur des bases plus solides — culture d’entreprise, relations de travail, vision de la place de l’automobile dans notre société. Cela signifie que, quel que soit l’avenir de GM et des autres, l’innovation technologique attendue pourrait bien se faire… attendre.

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