Le sauvetage des géants américains de l’automobile peut-il être l’occasion de donner un coup d’accélérateur à l’innovation technologique, en vue de construire des véhicules plus écologiques? Quand la crise financière et l’écologie convergent…
Au moment où ces lignes sont écrites, les élus américains, à Washington, débattent de la légitimité de verser un petit 25 milliards de dollars (un de plus) pour sortir l’industrie automobile du fossé. Une aide d’urgence qui pourrait sauver 10 000 emplois directs, et plus d’un million d’emplois indirects, selon les évaluations les plus pessimistes.
Ce scénario n’est pas sans déchaîner la fureur de chroniqueurs, et pas seulement ceux de droite (qui y voient une intrusion inacceptable du gouvernement dans le libre marché). À gauche, l’économiste Paul Krugman, qui écrit dans le New York Times — et qui, accessoirement, a décroché le Nobel d’économie le mois dernier — se défoule contre General Motors et sa politique «inepte» de véhicules dévoreurs d’essence: «nous devons subventionner Détroit pour qu’il puisse innover? Dans quel secteur êtes-vous donc, si ce n’est pas de l’innovation technologique?»
C’est que plusieurs écologistes voient dans cette aide d’urgence une occasion pour serrer la vis: oui aux 25 milliards, mais assortis de l’obligation de prendre un virage vert — économies d’essence, productivité et design, et bien sûr transition vers les voitures électriques. Or, comme le rappellent Krugman et d’autres, ce scénario souffre d’un handicap majeur: ce ne sont pas les occasions de faire de tels virages qui ont manqué depuis… 1973, année de la grande crise pétrolière.
Non, poursuit Krugman dans son indignation, au lieu d’investir dans l’innovation technologique «GM a dépensé beaucoup trop d’énergie à faire du lobbying pour protéger ses dévoreurs de carburant.» Le blâme doit être partagé par les élus du Michigan (où se trouve Détroit) qui, «année après année, ont voté pour quoi que ce soit que les fabricants automobiles et leurs syndicats leur demandaient de voter», incluant l’opposition à toute législation sur les économies d’essence ou les normes antipollution. Pendant ce temps, les concurrents en Europe et en Asie prenaient les devants.
Car toute l’industrie automobile mondiale n’est pas à ce point dinosaurienne. Plus tôt ce mois-ci, on annonçait l’ouverture d’une nouvelle usine Honda de 154 millions $ à Alliston, en Ontario, vouée à produire « 200 000 voitures 4-cylindres économiques en carburant ». C’est ce genre d’annonce qu’il faut s’attendre à voir passer, si le Congrès américain accorde à General Motors l’aide qu’elle réclame — parce que la nouvelle majorité démocrate, si elle dit oui, voudra nécessairement imposer de telles conditions.