C’était un beau soir d’automne dans les plaines de l’Ohio. Nous venions d’acheter une robuste Chevrolet 1948. Une belle occasion, pas trop rouillée, et qui avait un tonus fou. Elle partait comme une flèche dès qu’on frôlait l’accélérateur. Elle ne faisait certes pas ses dix ans d’âge et son prix était imbattable: 150$. On n’a même pas osé marchander. Elle faisait un peu peur à Monique qui se proposait de perfectionner ses rudiments de conduite avec notre nouvelle acquisition.
Revenus à la maison, je me mis à expliquer à Monique, de A à Z, tout ce qu’il fallait savoir en théorie avant d’aborder la dangereuse pratique de la conduite d’une voiture.
Dans de tels cas, Monique était mauvaise élève, trop distraite par ce qui nous entourait.
Il faut dire que, venus en Ohio comme enseignants de français, nous avions eu la chance de trouver à louer une maison d’artiste, plantée sur la haute berge de la rivière Olentangy, dont nous découvrions à travers d’immenses baies, la vie sauvage. Assez loin de la petite ville de Delaware, la faune locale des castors, ratons laveurs, écureuils, lapins, d’énormes tortues et de toutes sortes d’oiseaux colorés, se donnait en spectacle, sans crainte dans le ravin, dès le lever du soleil.
Mais cette fin d’après midi-là, on n’avait pas le temps de regarder les loutres se battre avec les ratons laveurs. Il fallait vite aller mettre en pratique la théorie de la conduite automobile. Monique conduisait bien mais la splendeur de l’automne américain que montraient ostensiblement les champs de citrouille avait tendance à la distraire. Il se faisait tard. Je lui donnais trop de conseils, elle s’était vite fatiguée et quelque peu énervée.