Incursion dans le temps

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 18/07/2006 par Gabriel Racle

Le 31 décembre 2005, Big Ben aurait dû sonner 13 coups à minuit, car la journée a compté une seconde de plus, ajoutée à cette dernière heure. Personne ne s’en est aperçu, à l’exception de ceux qui se préoccupent de la mesure précise du temps, scientifiques ou industriels, car cet «événement» n’a pas fait la une des journaux.

Mais pourquoi le Service international de la rotation terrestre de l’Observatoire de Paris a-t-il pris une telle décision?

La mesure du temps préoccupe les humains depuis bien longtemps, pour se repérer dans la journée. Le soleil a d’abord servi de repère avec des instruments fort anciens comme le gnomon, un bâton planté en terre verticalement, dont la longueur de l’ombre permettait de repérer l’heure au soleil. Le cadran solaire en dérivera. Le plus ancien connu est égyptien et date de 1500 avant notre ère.

De nos jours, le soleil ne sert plus que de référence lointaine à nos journées, puisque nos montres, horloges et autres appareils n’ont plus besoin de lui pour nous donner l’heure, une heure plus précise que celle des clepsydres, sabliers, horloges hydrauliques, bougies et autres instruments anciens de la mesure du temps.

La division du jour en 24 heures est d’origine ancienne. Depuis fort longtemps, on a divisé la journée en périodes. Les Babyloniens utilisaient un système de numération à base 60 et comptaient de 60 en 60 (60 est très commode car il admet beaucoup de diviseurs) ou en ses sous-multiples. La journée était divisée en 6 périodes: trois du lever du soleil à son coucher et trois du coucher au lever, des périodes variables selon les saisons.

Publicité

Par la suite, pour plus de précision les astronomes ont instauré 6 périodes de jour et 6 de nuit, soit 12 périodes que, pour plus d’exactitude, ils ont plus tard divisées par deux, en 24 unités de temps. Les Grecs et les Romains nous ont transmis ce système, perfectionné par la suite en divisant une unité en 60 minutes puis en 60 secondes. Nous avons ainsi hérité d’un système ébauché il y a quelque 5 000 ans.

Ce système se base sur la rotation de la Terre sur elle-même, qui fixe la durée d’une journée. On a longtemps pensé que cette «horloge astronomique» était exacte, mais on s’est finalement aperçu que le temps de rotation «ralentit sur le long terme, à cause des effets d’attraction luni-solaire et des perturbations induites par les constituants internes de la Terre (noyau, manteau) et externes (atmosphère, océans)», selon l’Observatoire de Paris.

«Pour s’appuyer sur un repère plus précis, les scientifiques se sont donc tournés vers les horloges atomiques, développées à partir de 1955. Les oscillations de l’atome de césium 133, stimulé par des micro-ondes, sont si régulières qu’il leur faudrait environ 20 millions d’années pour dériver d’une seconde.

En 1967, le temps atomique international (TAI) s’est logiquement imposé comme la nouvelle échelle de référence. Les physiciens se substituaient alors aux astronomes comme maîtres du temps », explique Jérôme Fenoglio, journaliste scientifique du Monde.

La référence au temps atomique international est nécessaire aux technologies modernes qui ont besoin d’une extrême précision: système de navigation par satellite (GPS), réseaux

Publicité

Mais un décalage se creuse entre le Temps universel coordonné (UTC), temps de référence, calculé grâce à 250 horloges atomiques dans le monde, et le temps des jours et des nuits déterminé par la rotation de la Terre sur elle-même (temps universel ou UT). Pour combler cet écart, on ajoute une seconde à l’UTC, lorsqu’il atteint 0,9 seconde, c’est la seconde intercalaire.

Depuis la création de ce système en 1972, il y a eu 23 secondes intercalaires, mais ces ajustements sont irréguliers et ne font pas l’affaire des technologies modernes.

Les Américains ont donc demandé de supprimer cette seconde dès 2007. Ils ont proposé la création d’une «heure intercalaire» qui viendrait compenser le retard pris par l’UTC lorsqu’il dépasserait 59 minutes. Au rythme actuel des changements, cela ne devrait pas arriver avant mille ans.

La France semble d’accord. Les Britanniques s’y opposent. Et le Canada? «Faut-il rompre la connexion entre l’horloge et la nature?… Nous aimerions que les choses en restent où elles sont», de dire Ken Tapping, astronome du Conseil national de recherches du Canada. La guerre des secondes est lancée, elle devrait se régler à Genève au mois d’août.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur