Inch Allah: «Madame, c’est la guerre»

Quand la réalité te fait choisir un camp

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Publié 27/11/2012 par Guillaume Garcia

«Ce n’est pas ta guerre. On n’a pas grand-chose ici, mais on souffre. Laisse-nous au moins ça.» Ce dialogue tiré de Inch Allah, résume assez parfaitement le sujet du dernier film d’Anaïs Barbeau-Lavalette, présenté en première mondiale lors du dernier TIFF et entré en salle vendredi dernier.

Chloé (Évelyne Brochu), jeune obstétricienne québécoise est à Jérusalem pour aider les femmes dans leur grossesse, du côté arabe de la ville. Chloé est tiraillée entre deux mondes séparés par un mur; ses certitudes volent en éclat. Le calme ne revient vraiment jamais dans une ville dont la population est séparée par un mur.

Si elle habite du côté israélien de Jérusalem et passe pas mal de temps avec son amie Ava (Sivan Levy), Chloé se rend tous les jours en Cisjordanie, dans une clinique de fortune tenue par un médecin français.

Là elle rencontre Rand (Sabrina Ouazani), une de ses patientes, avec qui elle sympathise. Elle rencontre aussi la famille de Rand, dont Faysal (Yousef ‘Joe’ Sweid), son grand frère, impliqué dans la résistance palestinienne. À la moindre incartade, la situation s’envenime, les checks-points se font plus difficiles à passer et les langues se délient.

Rand doit accoucher dans quelque temps. Son plus vieux frère travaille dans une petite entreprise et son petit frère l’aide à trier du plastique mou récupéré dans une décharge jouxtant le mur des infamies.

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Choisir un camp?

Anaïs Barbeau-Lavalette raconte le quotidien de cette partie du monde prête à s’enflammer à la moindre étincelle, à travers le prisme d’une jeune occidentale qui ne sait pas quel camp choisir.

D’un côté son amie Ava, qui fait son service militaire au check-point, les soirées à Tel-Aviv et la vie en terrasse, au soleil, et de l’autre, la pauvreté, le ressentiment, Rand et surtout Faysal, qui ne laisse pas Chloé indifférente. De quel côté est la justice? Quel côté est responsable de la situation? Eux, ou les autres?

Lorsqu’elle assiste à l’assassinat d’un des «ti criss» du coin par l’armée israélienne, qui nargue les résidents palestiniens en faisant des rondes en 4×4 dans le quartier, Chloé ne sait vraiment plus à quel saint se vouer. Cet événement changera irréversiblement sa manière de penser.

À travers Chloé, Faysal, Rand, Ava, la réalisatrice nous dresse des portraits. En particulier un, qui n’est pas celui d’un personnage, mais d’une région, d’une histoire, d’un passé et d’un présent au futur incertain.

Le contexte reste l’élément le plus changeant et au gré de son évolution, les personnages changent de mentalité et ce n’est pas toujours celui qui paraît le plus fort qui l’est vraiment.

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L’incompréhension s’est immiscée depuis longtemps dans la vie de tous les habitants et Chloé, sans repères, ni camp évident, se laisse glisser vers une destinée qu’elle regrettera, mais qu’elle ne peut voir venir.

Le spectateur, mal à l’aise

Tourné tel un documentaire, caméra à l’épaule, Inch Allah, met le spectateur dans le rôle d’un témoin privilégié de l’histoire, ce qui peut parfois déstabiliser. Le public est trop proche de l’histoire et les biais évidents, volontaires de la réalisatrice, pourront en énerver certains.

Dans la lignée de Une bouteille dans la mer de Gaza, Inch Allah traite d’un sujet plus d’actualité que jamais; d’ailleurs le film n’aurait pas pu espérer meilleure publicité que les récents bombardements entre Gaza et Israël; qui s’ouvre de plus en plus aux visions doubles de la guerre.

Dans le film, Chloé se prend le mur de la réalité en pleine face. Tentant de sauver un bébé qui va naître, elle supplie puis menace un soldat israélien de la laisser passer avec la mère de l’enfant pour aller à l’hôpital.

Le soldat ne bronche pas, c’est son métier. À bout de patience, il repousse Chloé en lui hurlant à la figure «C’est la guerre». Voilà ce que les Occidentaux ne comprennent pas. Ces peuples ne jouent pas à un jeu sadomaso. C’est la guerre.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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