Il y a 250 ans: naissance du Rousseau franco-ontarien

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Publié 02/07/2008 par Paul-François Sylvestre

Il y a le poète et dramaturge français Jean-Baptiste Rousseau (1671-1741). Il y a aussi l’interprète et entrepreneur torontois Jean-Baptiste Rousseau (1758-1812). Ce dernier est un pionnier dont on célèbre le 250e anniversaire de naissance cette semaine. Il est l’un des premiers hommes d’affaires de la future ville de Toronto.

Né le 4 juillet 1758 à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord), Jean-Baptiste Rousseau, dit Saint-Jean, est le fils de Jean-Bonaventure Rousseau, dit Saint-Jean, et de Marie-Reine Brunet. Vingt ans environ avant la création du Haut-Canada, la famille Rousseau inaugure son activité commerciale dans la région de Toronto. À l’automne 1770, Jean-Bonaventure, interprète au service du département des Affaires indiennes, reçoit un permis l’autorisant à faire la traite sur les rives de la rivière Toronto (rivière Humber) avec les Indiens de l’endroit. Il transmet sa facilité pour les langues à son fils Jean-Baptiste, qui en fera bon usage quand il entrera à son tour au département des Affaires indiennes en 1775, à la veille de la Révolution américaine.

Dans les textes d’Histoire, l’interprète et homme d’affaires Jean-Baptiste Rousseau est souvent nommé Rousseaux St John. Il épouse Marie Martineau le 14 juillet 1780 à Montréal. Le couple s’installe à Cataraqui (Kingston) en 1783. Pendant quelques années, après de longues périodes de traite, Rousseaux passe les mois d’hiver à l’embouchure de la rivière Toronto (l’endroit de prédilection de son père) où il sert d’interprète pour le département des Affaires indiennes.

On peut présumer que cette vie irrégulière contribue à la rupture de son mariage, à l’été de 1786. Moins d’un an après, Rousseaux prend une seconde épouse, Margaret Clyne (Klein), autrefois prisonnière des Agniers, qui a été adoptée par le chef indien Brant. Ce dernier respecte le jugement et la capacité de Rousseaux; l’union les rapproche encore davantage. Si aucun enfant n’est né du premier mariage de Rousseaux, six enfants naissent du second, dont un fils prénommé Joseph Brant.

À la fin des années 1780, Rousseaux fait la traite à la baie de Quinte et dans les contrées environnantes qui comprennent la région de Toronto. Quand la première équipe d’arpenteurs passe le long de la rive nord du lac Ontario, en 1791, elle est accueillie à Toronto par «Mr. St. John», nom sous lequel on en vient à connaître Rousseaux.

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Toujours en 1791, année de la création du Haut-Canada, Rousseaux commence à faire la traite avec les Six Nations et il construit un moulin à blé près de l’emplacement actuel de Brantford. Vers 1792, il décide de vivre à l’année sur une étendue de terre de 500 acres, sur la rive est de la rivière Humber, sa femme et ses enfants l’ayant rejoint préalablement.

En 1792, Rousseaux est déjà établi comme propriétaire de magasin, le premier probablement, dans ce qui deviendra bientôt la ville de York (Toronto). Le 24 juillet 1793, le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe insiste pour que Rousseaux lui soit attaché comme interprète personnel. Écrivant au lieutenant-gouverneur du Bas-Canada, Simcoe allègue que Rousseaux a «tout ce qu’il faut pour ce poste, [… qu’il est] également agréé de [… Brant] et des Agniers, de même que des Mississagués […] et le seul qui possède une grande influence sur l’une ou l’autre de ces nations».

En 1795, en partie parce qu’on lui a refusé des terres additionnelles sur la rivière Humber, Rousseaux quitte les lieux avec sa famille en direction de l’actuel port de Hamilton et se fixe dans le canton d’Ancaster où il possède 50% des parts d’un moulin à farine et d’une scierie. Il ouvre un magasin général, une forge et une auberge.

Devenu homme important, Rousseaux est nommé percepteur des taxes pour le canton d’Ancaster. En outre, ce fils de l’ancienne province de Québec, qui avait déjà affirmé qu’il était un membre fidèle de «l’Église apostolique et romaine», devient franc-maçon le 31 janvier 1796 en adhérant à la loge Barton, récemment créée. Il continue à servir comme interprète et comme conseiller en matières indiennes, mais pas toujours, semble-t-il, à la satisfaction de son supérieur, l’administrateur Peter Russell. En dépit de ces démêlés, Rousseaux est maintenu en fonction par le département des Affaires indiennes, et il en vient également à jouer un rôle actif dans l’élite de la milice coloniale: enseigne dans la milice (1797), capitaine (1799), lieutenant-colonel (1811) et capitaine du département des Affaires indiennes (1812).

En 1812, la guerre éclate avec les Etats-Unis. Rousseaux est présent à la bataille de Queenston Heights, le 13 octobre 1812. Il meurt de pleurésie le 16 novembre, au moment où il visite le fort George (Niagara-on-the-Lake). Il est enseveli avec tous les honneurs militaires dans le cimetière de l’église St Mark, à Niagara.

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L’apport de Jean-Baptiste Rousseau, dit Saint Jean, aux affaires indiennes, de même qu’au progrès de York et d’Ancaster demeure appréciable. Il a manifestement fait le pont entre deux régimes, le français, orienté vers l’ancien commerce des fourrures, et le britannique, sensible à l’implantation d’entreprises commerciales plus variées et, par-dessus tout, aux besoins d’une colonie de peuplement.

Un prix portant son nom est aujourd’hui décerné par la Société d’histoire de Toronto.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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