Antoine Gratton est un virtuose du XXIe siècle, le genre de mec qui manie avec une aisance désinvolte une dizaine d’instruments et autant de styles musicaux, piqués pour la plupart dans le legs des fastes années 70.
Trop souvent, ce genre d’exercice prend des allures d’examen final au School of Rock, mais Gratton évite l’écueil sur son opus 2, Il était une fois dans l’Est (Tacca) balisant un univers qui lui ressemble, composé à parts égales d’humour (le diablement accrocheur Carole à Gogo), de tendresse et d’onirisme, comme en témoignent les étonnants Joni 1 et Joni 2, où la grande dame du folk canadien, Joni Mitchell, apparaît telle une Madonne sur les murs de Montréal.
Il y a deux façons d’aborder Il était une fois dans l’Est. Ou, plus exactement, c’est le genre d’album qu’on découvrira en deux étapes. D’entrée de jeu, quiconque possède tant soit peu de culture pop s’amusera à en déceler les hommages: Joe Cocker, Pink Floyd, Beatles, Badfinger, Queen, Harmonium et Jim et Bertrand, qui font ici bon ménage, tour à tour et parfois simultanément.
Mais le plaisir des clins d’œil cède bientôt à celui, plus durable, que procure l’écriture, tantôt grâce à un «hook» irrésistible (J’veux m’en aller dans le registre folk beat, Carole à Gogo au chapitre du rock and roll à fond les manettes), tantôt en vertu d’une plume qui nous dépeint la douce folie d’un monde qui n’a pas tourné le dos à l’enfance et l’adolescence, ni à leur lot de souvenirs musicaux.
70’s, prise deux
Sur son premier album, Bouille de Lune (Polydor/Universal), la Bretonne Orly Chap, elle aussi, s’est égarée dans les méandres de cette décennie qu’elle n’a pas vécue, mais elle ne ratisse pas aussi large que son homologue québécois.