Hors de l’eau, un roman qui sort des sentiers battus

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Publié 31/10/2006 par Paul-François Sylvestre

La publication d’un livre, surtout d’un premier roman, est souvent comparée à un accouchement. Une idée germe, mûrit, puis trouve péniblement sa voie/voix. Marc Maillé a accouché cette année d’un premier roman baptisé Hors de l’eau. Dans son cas, il s’agit d’une double naissance puisque le roman porte sur la naissance hors de l’ordinaire d’un enfant-poisson. L’histoire se veut, bien entendu, une parabole.

Marc Maillé est lui-même né le 17 février 1957 à Labelle, petit village blotti dans les Laurentides. Pour surmonter une adolescence difficile, pour s’oublier, il étudie sans cesse. Il va jusqu’à compléter un doctorat en sémiotique littéraire. Depuis plus de dix ans, il vit avec son compagnon, argentin d’origine chinoise naturalisé canadien. Il s’adonne avec délectation au plaisir solitaire… de l’écriture. Hors de l’eau, m’a-t-il confié, est «un roman d’apprentissage qui illustre, par le biais d’une parabole insolite, différentes situations portant sur la découverte et l’acceptation de soi et des autres».

L’auteur nous raconte l’histoire de Matthew qui voit le jour d’une manière assez débridée, merci. Sa future mère se rend dans une clinique de fertilisation au moment où une explosion se produit à l’étage supérieur. Par un concours de circonstances quasi improbable elle est fécondée par un poisson génétiquement modifié. Quelques mois plus tard, elle accouche d’un enfant-poisson. Ses mains et ses pieds deviennent palmés au contact de l’eau. De plus, Matthew est doté d’une langue protractile et de branchies au niveau du cou.

Matthew est un mutant et ses parents font tout pour le soustraire à l’entourage d’enfants ou d’adultes qui pourraient mal réagir. Les gens ont souvent peur de ce qu’ils ne connaissent pas, de ce qui est différent d’eux-mêmes. «Une différence trop marquée est perçue malheureusement comme une menace ou même un danger. Alors, la réaction en est une de rejet et même d’agression.»

La mère de Matthew accepte difficilement ce garçon qu’elle qualifie presque de monstre. Elle le rejette pendant plusieurs années, forçant le père à trouver un gardien. Ce précepteur est Ricky, étudiant en psychologie, très perspicace, très attentionné, très enrichissant pour Matthew. Les deux personnages s’adonnent à plusieurs confidences, mais Ricky cache son orientation sexuelle.

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Le père de Matthew est très satisfait du travail accompli par Ricky et constate que son fils pourra fréquenter une école ordinaire sans trop attirer l’attention (il porte toujours un col roulé et évite l’eau). Garçon fort intelligent, Matthew est très conscient de sa situation: «je sais une chose, c’est que la différence effraie».

Tout au long de son cours primaire, Matthew garde ses distances et observe ses compagnons de classe. Il remarque que les garçons surtout ont «l’impression d’être en présence d’un abysse insondable habité par des fantômes mystérieux, étranges, redoutables.» Matthew a beau dissimuler sa différence, il ne peut pas l’éliminer; il doit composer avec elle. «D’où une manière de se comporter qui tenait à distance.»

Avant même d’arriver à l’école secondaire, Matthew se sent affectueusement et sexuellement attiré vers les garçons. Surtout vers un nouveau venu dans sa classe. Ce garçon prénommé Anthony sait que «les préjugés, en particulier ceux s’élevant contre l’homosexualité, obligent parfois les gais à déformer la vérité, le déplaisir de mentir apparaissant moins grand que celui, menaçant, d’être méprisé voire rejeté comme une vulgaire ordure.»

Le roman se veut une parabole pour le moins insolite sur l’acceptation de soi et d’autrui. Le personnage débridé de Matthew incarne cet apprentissage à plusieurs égards et avec aplomb. Il n’en reste pas moins que la question de l’orientation sexuelle pose relativement peu de problèmes. La mère de Matthew accepte tout de go le fait que son fils soit homosexuel. Son père, pourtant macho et conservateur, avale la pilule sans hésiter.

Anthony, l’amant de Matthew, est un gai dans le placard qui accepte avec enthousiasme toutes les différences de son partenaire. La seule véritable tension dans ce roman réside dans le fait que les parents d’Anthony font preuve d’homophobie. Pour le reste, tout se passe relativement sans heurt, presque sur des roulettes pour l’enfant-poisson-homosexuel.

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Hors de l’eau n’en demeure pas moins un roman écrit avec finesse et doigté. Petit à petit, Marc Maillé se détache de la science-fiction pour s’attarder sur la psychologie de son personnage, sur ses sentiments et ses espoirs. L’auteur nous prouve, un peu vite, que toutes les différences sont surmontables. Le livre se veut, ainsi, un hymne à la tolérance.

Marc Maillé, Hors de l’eau, roman, Éditions Publibook, Paris, 2006, 186 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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