Homéopathie: les preuves diluées

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Publié 01/02/2011 par Pascal Lapointe (Agence Science-Presse)

La première quinzaine de janvier n’a pas été tendre pour l’homéopathie. Des deux côtés de l’Atlantique, deux démarches différentes arrivent au même résultat: acheter des gélules équivaut à lancer de l’argent par les fenêtres.

Du côté de la chaîne anglaise de Radio-Canada (CBC), c’est l’émission de défense du consommateur Marketplace, diffusée le 14 janvier, qui a descendu en flammes les prétentions de l’industrie homéopathique. Du côté de la BBC, c’est un reportage de 7 minutes du journaliste scientifique Pallab Ghosh, le 4 janvier.

Le point de départ de ce dernier est un dilemme politique très britannique: en décembre, le bureau de médecine vétérinaire du gouvernement a décrété que les traitements homéopathiques ne pourront plus être prescrits pour des animaux, sauf si leur efficacité est un jour prouvée.

Or, cette exigence… ne s’applique pas aux humains. Le gouvernement n’a rien à redire contre les traitements homéopathiques pour des maux bénins. Les opposants rétorquent que cela donne du coup de la crédibilité à l’ensemble de l’homéopathie puisque, maux bénins ou malins, toute la littérature scientifique (voir encadré) arrive à la même conclusion : zéro impact, zéro guérison.

La BBC a notamment filmé, avec caméra cachée, une homéopathe qui se vante de traiter la malaria avec des gélules, et qui se préparerait à aller le faire en Afrique. Par ailleurs, des pharmaciens britanniques recommandent des gélules comme traitement «alternatif» aux voyageurs des pays tropicaux.

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Tester les gélules

Au Canada, l’émission Marketplace a pris, elle, une autre voie : des tests. Elle a fait analyser par des chimistes le contenu de deux types de gélules (résultat: c’est du sucre) et a filmé une association de sceptiques de Vancouver tandis qu’ils se prêtaient à un événement courant chez ces groupes: une «surdose homéopathique». Cela consiste à ingérer d’énormes quantités de gélules… et à attendre les effets secondaires.

Interrogée au sujet de l’analyse chimique, la porte-parole du géant de l’homéopathie français Boiron réplique que la science ne s’est pas développée au point de pouvoir détecter la présence de la substance diluée. Mais elle n’explique pas comment, dans ce cas, l’homéopathie pourrait, elle, garantir la présence de la substance en question.

Marketplace a également interviewé une mère qui a refusé de faire vacciner son enfant contre la polio, lui préférant l’homéopathie. Et une homéopathe qui recommande ses gélules à la journaliste qui s’est fait passer pour une patiente atteinte d’un cancer du sein. Le président du Conseil médical homéopathique du Canada, Ranvir Sharda, réplique à ce sujet qu’il est lui aussi capable de guérir le cancer du sein au stade 1 ou 2, et «toutes sortes de cancers», par gélules.

Aux dernières nouvelles, le gouvernement de l’Ontario se préparerait à devenir la première province canadienne à «réglementer» l’homéopathie, c’est-à-dire à autoriser les médecins à la prescrire en certaines circonstances, à l’image de ce qui se fait en Grande-Bretagne — pour les humains, mais pas pour les animaux.

Double aveugle vs anecdotes

Tout médicament normal, pour être homologué, doit passer par une série de tests dont les plus solides sont ceux dits «en double aveugle»: on prend 1000 personnes souffrant de la maladie X, on donne à la moitié le médicament à tester et à l’autre moitié une fausse pilule faite par exemple d’eau et de sucre (un placebo).

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Ni les patients, ni les médecins — pour éviter qu’ils ne soient influencés par des symptômes qu’ils seraient tentés de voir comme «encourageants» — ne savent quel patient a reçu quoi: d’où l’expression «double aveugle».

Après quelques semaines ou quelques mois, on compare. Si le médicament a un taux d’efficacité de 80 % alors que le placebo n’atteint que 25 %, c’est bon signe.

En revanche, on parle de «preuves anecdotiques» lorsqu’on ne s’appuie que sur des témoignages. Soit des gens qui affirment avoir été guéris, mais sans qu’on ne puisse asseoir cela sur des chiffres : par exemple, ceux qui prétendent avoir été guéris représentent quel pourcentage de ceux qui avaient reçu le médicament?

N’importe quel traitement, même le plus farfelu, réussira toujours à récolter des «preuves anecdotiques». Mais faute de pouvoir établir la crédibilité des témoignages, il est dangereux de s’y fier.

www.sciencepresse.qc.ca

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