Histoire d’une lecture: « La Saga cosmique » de Christine Dumitriu van Saanen

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Publié 15/04/2008 par Claude Tatilon

Une lecture savante qui fait resurgir à mon esprit une autre lecture, naïve, vieille de plusieurs décennies: à plat dos devant le livre grand ouvert d’un vaste ciel de Provence, j’ânonne des noms étranges appris la veille ou l’avant-veille: Cassiopée, Bételgeuse, Orion, Uranus…

Cette histoire est avant tout celle d’une dette: la mienne. On apprend tant de choses dans ce petit livre! Dès sa couverture, d’un éclat rouge sang, qui reproduit «l’image de l’une des étoiles les plus lumineuses du noyau de la Voie Lactéee, notre Galaxie. Entourée d’une nébuleuse, l’étoile appelée Pistol a la brillance de dix millions de soleils et son rayon est plus long que la distance du Soleil à la Terre.»

Tant de choses sur notre Univers «sans commencement et sans fin»! Sur sa naissance: «Des globules créés dans l’Univers, à partir du bouillon primordial d’hydrogène et d’hélium, par des excès de densité, s’effondrent sous l’effet de la gravitation.»

«Les multiples mouvements des atomes de gaz qui s’agitent et se heurtent à des vitesses de plus en plus vertigineuses mènent à la transformation de l’hydrogène en hélium. L’énergie dégagée par les réactions thermonucléaires qui ont lieu fait briller les masses et augmente la pression du gaz. Ainsi naissent les étoiles.»

Sur son destin: «Du point de vue de la cosmologie moderne, l’accélération de l’univers empêchera la lumière de voyager entre des régions très éloignées de l’espace. Les galaxies s’isoleront de leurs voisines, les étoiles disparaîtront et les trous noirs se transformeront en radiations qui se dilueront dans un océan d’espace.» Des pages qui «donnent le vertige au désir de pénétrer l’inimaginable». Une lecture qu’on fait un pied dans les mots, l’autre dans les étoiles.

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Les étoiles, reparlons-en. Elles «viennent au monde dans des amas célestes, jamais seules, toujours en couples ou en groupes. Les rassemblements de milliards et de milliards d’étoiles constituent les galaxies, qui sont de forme irrégulière, spirale ou elliptique. Leur taille varie de quelques milliers à des centaines de milliers d’années-lumière. Elles sont séparées les unes des autres par des distances de l’ordre du million d’années-lumière.[…] L’étude de notre Galaxie voit émerger des populations stellaires classées selon leur richesse en métaux, leur taille et leur pauvreté. C’est en mesurant l’âge des groupes d’étoiles que l’on peut trouver des indices d’évolution chimique du gaz galactique. […] Les étoiles pauvres, blotties dans des amas globulaires, ont perdu leur éclat cosmique. Elles sont désargentées, car elles se situent dans le groupe des plus anciennes, âgées de douze à quatorze milliards d’années.»

Dès ma première lecture, j’ai compris que je reviendrai souvent à ce petit livre d’à peine cent pages, que je le consulterai toutes les fois que je ressentirai l’impérieux besoin d’une cure de modestie (Que sais-je?) ou d’un réconfort devant l’angoisse (Est-il encor debout le chêne ou le sapin de mon cercueil?).

L’angoisse de voir bientôt les étoiles de mon ciel provençal s’éteindre l’une après l’autre. Jusqu’à la dernière, où je me serai réfugié: «Les particules qui me composent reprendront leur liberté dans un Univers dont je ne représente qu’une phase transitoire. […] Quand les atomes de tous les corps endormis retourneront aux étoiles, la joie de la perpétuité éclatera.»

Si j’ai évité de plaquer sur La Saga cosmique un commentaire faussement savant, c’est d’abord, bien sûr, que je me sens incapable de porter un jugement sur une telle somme de connaissances scientifiques. Mais aussi, surtout, par égard pour mes éventuels lecteurs, que je ne voudrais pas fourvoyer en leur donnant l’impression de fournir des explications. J’ai simplement voulu dire ma fascination devant des mystères qui me laissent profondément perplexe.

Et aussi ma satisfaction devant des réponses à ma portée. Les particules, c’est quoi au juste? Des «micro-immensités». Et l’expansion de l’Univers? «Un ballon à taches peintes. On le gonfle, les taches s’éloignent.» Des réponses d’où, plus d’une fois, la poésie jaillit à la vitesse de la lumière. Les nutrinos? Des «miettes de soleil sur le passage du temps».

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Quant à l’Univers, il «ressemble à une mer sombre. La matière, qui tient dans ses bras les galaxies, est invisible. Comment peut-on savoir si cette matière invisible existe réellement; et si elle existe, que représente-t-elle?»

Le poète a toujours raison. Éluard, qui sait de quoi il parle, le définit comme «celui qui inspire». Je n’oserai pas le contredire; aussi me garderai-je bien de faire reproche à Christine Dimitriu van Saanen d’avoir choisi pour son livre la forme prosaïque qu’elle a su doter ici d’une solidité minérale. «Ce soir, entre tous les soirs, j’ai envie de cracher le tic-tac de la montre qui m’abîme.»

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