Histoire aux rebondissements aussi nombreux que scabreux

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Publié 03/04/2007 par Paul-François Sylvestre

Auteure de romans érotiques, Sylvie Ouellette vient de publier Maria Monk, une histoire qui vous fera redresser les cheveux sur la tête. Les événements racontés se seraient passés à l’époque du Bas-Canada, à Montréal puis à New York, et auraient mis en scène une jeune religieuse impliquée malgré elle dans une affaire aussi lubrique que sordide. J’emploie le conditionnel car on n’a jamais réussi à prouver l’authenticité de cette affaire. Maria Monk demeure donc un roman et non un récit historique.

La romancière décrit avec force détails la vie de Maria Monk, née de parents écossais près de Saint-Jean, au sud de Montréal. Dès l’âge de 14 ans, Maria découvre qu’elle détient sur les hommes un indéniable pouvoir de séduction.

Abandonnée par sa famille, l’adolescente vend son corps pour survivre. Mais petit à petit elle adhère à l’idée très en vogue à cette époque que «les religieuses sont les femmes les plus heureuses et que les couvents sont des endroits où trouver la paix, la sainteté et le paradis sur terre».

Vers 1832, Maria Monk entre chez les sœurs qui dirigent l’Hôtel-Dieu de Montréal. Dès que la novice prononce ses vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté, la supérieure lui explique que «les prêtres sont avant tout des hommes et, à ce titre, ils ont certains besoins à assouvir. Ce sont par contre des saints hommes, et en vous offrant à eux pour l’assouvissement de ces besoins, vous ne faites qu’obéir à l’ordre divin».

Maria ne tarde pas à découvrir que le couvent, lieu de paix et de sainteté, n’est en réalité qu’un endroit où il se passe des choses que la société ne tolérerait jamais. Dans les mains des prêtres, la jeune religieuse devient «un objet, une poupée de chiffon qu’on place de manière à l’utiliser dans un but essentiellement salace».

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En s’aventurant dans la cave du couvent, elle est témoin d’une horrible réalité. Des religieuses pourrissent dans des cachots et leurs bébés sont jetés dans un gouffre, puis couverts de chaux. Maria entend la supérieure déclarer qu’elle fait une faveur aux bébés assassinés en les envoyant à Dieu «de façon prématurée».

Devant les soi-disant faits racontés, la romancière écrit: «Mieux vaut le danger de l’extérieur que ce qu’elle devait endurer au couvent.» Maria réussit à s’enfuir. Épuisée et affamée, elle aboutit en novembre 1834 à l’hospice méthodiste de la 22e rue, à New York, où elle demande asile. Recueillie par le révérend John Slocum, Maria lui relate son histoire.

Ce récit inouï confirme, aux yeux du révérend Slocum, que «l’Église catholique, malgré les grands airs qu’elle se donne et les pieux discours qu’elle entretient, est une grande pécheresse, un nid de vipères accueillant en son sein une racaille dont peu soupçonne l’abjecte pourriture».

Impressionné par le récit de Maria, le pasteur alerte le grand public en publiant Awful Disclosures of Maria Monk (New York, 1836). Les Épouvantables révélations de Maria Monk font évidemment scandale et sont contestées par les autorités religieuses de Montréal. Des enquêtes sont ouvertes, un débat public est organisé, toutes les conjectures courent.

La romancière écrit que l’histoire de Maria «fut rapidement écartée au profit de nouvelles plus importantes et, surtout, plus crédibles de la scène politique du Bas-Canada».

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La publication a eu peu de retentissement à Montréal, car la ville avait été récemment frappée par une épidémie de choléra au cours de laquelle les religieuses avaient fait preuve d’une grande générosité et d’un courage remarquable pour soulager les gens atteints de cette terrible maladie contagieuse. Peu portée à accorder quelque crédit aux accusations de Maria Monk, la population «a vite mis de côté cette histoire, ce qui démontre le pouvoir et l’influence que détient l’Église catholique dans cette ville», écrit Sylvie Ouellette.

La romancière excelle dans l’art de raconter une histoire aux rebondissements aussi nombreux que scabreux. La première partie du roman présente le récit que Maria Monk fait devant le révérend Slocum. On passe d’une troublante conversation à une palpitante narration.

La seconde partie du roman porte sur les démarches entreprises pour alerter l’opinion publique: publication du récit, débat public, enquête, etc. Cela est moins réussi et plus fastidieux car plusieurs événements sont répétés. On constate surtout que les conflits entre protestants et catholiques étaient acharnés au XIXe siècle et que le récit de Maria Monk a servi d’arme entre les mains des protestants dans leur guerre aux papistes.

Il n’en reste pas moins que Sylvie Ouellette a réussi à retracer toutes les facettes d’une histoire controversée et à décrire les doutes qui subsistent encore aujourd’hui.

Sylvie Ouellette, Maria Monk, roman, Montréal, VLB éditeur, 2007, 336 pages, 24,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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