Heureuses retrouvailles

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Publié 26/09/2006 par Martin Francoeur

Alors? Vous avez passé un bel été? Vous vous êtes reposés? Moi, si. Et je suis très heureux de vous retrouver.

Le seul regret que j’ai, en fait, c’est que mon retour dans ces pages soit synonyme, chaque année, de signe avant-coureur de la saison automnale et, fatalement, de l’hiver. Avec ses froids intenses, sa neige abondante, ses verglas embêtants et ses journées bien trop courtes.

Mais je savoure ces retrouvailles. D’ailleurs, il ne m’a pas fallu chercher trop loin pour trouver un sujet pour cette chronique. Le titre de ce texte devait m’inspirer. Je croyais dur comme fer que le mot «retrouvailles» était un de ces mots de la langue française qui ne s’emploient qu’au pluriel. Un peu comme «funérailles» ou «fiançailles». Je me suis probablement laissé berner par la terminaison de ce mot.

En vérifiant dans les dictionnaires pour trouver quels sont ces mots qui sont toujours au pluriel, je me suis bien rendu compte que «retrouvailles» n’y était pas. Le Petit Robert nous donne la définition de «retrouvaille»: action de retrouver ce dont on était séparé, ce qu’on avait perdu. Heureusement, je ne perds pas la face complètement, puisqu’on prend tout de même la peine d’ajouter que cet emploi au singulier est rare.

Le Robert poursuit en ajoutant qu’au pluriel, le mot s’emploie pour parler de la circonstance festive qui entoure le fait, pour des personnes notamment, de se retrouver. On ajoute même que, par extension, l’emploi de «retrouvailles» au pluriel peut s’appliquer au rétablissement de relations interrompues, entre deux groupes sociaux. Retrouvailles de deux pays après une crise, par exemple.

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Voilà. Le mot «retrouvailles» n’est pas toujours au pluriel, mais il l’est souvent.

Parmi les mots qui sont toujours au pluriel, on en trouve plusieurs qui ont d’ailleurs la terminaison en «ailles». C’est le cas des mots «accordailles», «épousailles », «fiançailles», «funérailles» et «relevailles». Les fiançailles sont une promesse solennelle de mariage. Ritualisées de façon différente au cours des siècles, d’abord religieuses, puis surtout sociales, les fiançailles sont en net recul dans la vie moderne.

Après les fiançailles, on espère se rendre aux épousailles et aux accordailles. Les épousailles désignent la célébration du mariage, mais le mot est jugé archaïque aujourd’hui. C’est la même chose pour «accordailles», qui n’est pratiquement plus employé. Il s’agit d’un vieux mot, formé sur le modèle des précédents, qui désigne la cérémonie qui accompagne la signature du contrat de mariage.

Les «relevailles» ont aussi un caractère hautement archaïque. Elles font allusion à un rite chrétien par lequel une femme accouchée venait remercier Dieu. On dit aussi qu’il s’agit de la première visite à l’église qu’elle fait après qu’elle ait eu son enfant. Quant aux «funérailles», on sait tous de quoi il s’agit. Son synonyme, «obsèques» est d’ailleurs un autre mot qui est toujours au pluriel.

Au nombre des mots qui sont toujours au pluriel, on retrouve aussi: affres, aguets, ambages, archives, arrhes, besicles, bestiaux, calendes, catacombes, dépens, doléances, écrouelles, entrailles, environs, floralies, fonts, frais, frusques, gravats, laudes, lupercales, mânes, matines, mœurs, pourparlers, prémices, prolégomènes, représailles, saturnales, ténèbres et vêpres.

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Il y a des mots parmi ceux-ci qu’on connaît bien et d’autres qui surprennent. Les «arrhes» désignent une somme d’argent qu’on donne au moment de la conclusion d’une promesse de vente ou d’achat. Les «besicles», que l’on peut aussi écrire «bésicles» ne sont en fait que des lunettes. Les «fonts», notamment dans l’expression «fonts baptismaux», désignent le bassin placé sur un socle et destiné à l’eau du baptême. Les «laudes» désignent, dans la liturgie catholique, la partie de l’office qui se chante à l’aurore, après les «matines», un autre mot toujours pluriel. Les «prolégomènes», enfin, sont une ample préface contenant les notions préliminaires nécessaires à l’intelligence d’un livre.

Les mots qui sont «souvent» ou «surtout» au pluriel sont plus nombreux. Certains sont entrés dans des expressions consacrées. On n’a qu’à penser à: agissements, alentours, auspices, branchies, broutilles, cisailles, confins, décombres, directives, émoluments, errements, fastes, hardes, honoraires, jonchets, matériaux, nouilles, proches, vivres, victuailles…

Enfin, on constate qu’il y a parfois certains caprices grammaticaux qui découlent de l’utilisation d’un mot toujours au pluriel. Le plus célèbre, et qui donne lieu à beaucoup d’erreurs, est celui qui consiste à devoir mettre l’adjectif «aucun» au pluriel, contrairement à son sens propre, devant un nom au pluriel. On doit donc écrire: «aucuns frais» ou «aucunes funérailles».

Voilà. J’espère que pour nos retrouvailles, je ne vous ai pas trop ennuyés. J’espère surtout que vous n’avez pas remis la lecture de cette chronique et des autres qui vont suivre… aux calendes grecques!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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