L’ouragan Matthew a laissé Haïti derrière lui, mais le pire est à venir pour l’île. Tôt vendredi matin, le bilan non officiel dépassait les 300 morts — mais ce n’est pas l’évolution de ce bilan que les médecins et les coopérants vont surveiller dans les prochains jours.
Le pire, ce sont les conséquences de l’ouragan, résume la journaliste médicale Judy Stone. Plus exactement, les conséquences des calamités accumulées ces dernières années, auxquelles vient de s’ajouter l’ouragan :
– Le tremblement de terre de 2010. Il a tué plus de 200 000 personnes et bien que six années se soient écoulées, plusieurs milliers de personnes vivent toujours sous la tente ou dans des refuges de fortune, dans des conditions sanitaires précaires
– L’épidémie de choléra. Apportée dans le pays par des casques bleus népalais (les Nations Unies ont finalement admis leur responsabilité en août dernier) et transmise par de l’eau contaminée, elle aurait touché plus de 744 000 personnes en six ans et tué près de 10 000. Et elle n’est toujours pas éradiquée.
Il existe donc un risque de voir à nouveau augmenter les cas de choléra, en même temps que la mortalité infantile pour cause de diarrhées — deux calamités qui dépendront des dégâts infligés par l’ouragan aux installations sanitaires. Moins l’eau potable sera accessible, plus les microbes auront la partie facile.
Comment la situation pourrait-elle devenir pire encore? Étant donné que cet ouragan est arrivé pendant la saison des récoltes, il faut s’attendre à davantage de malnutrition dans les semaines et les mois à venir.
De plus, une coordonnatrice de l’organisme CARE s’inquiète dans le reportage du magazine Forbes de la situation de 60 000 femmes enceintes: l’accès aux services médicaux risque d’être perturbé à court terme — routes emportées par des glissements de terrain et milliers de gens déplacés la semaine dernière en prévision de la tempête.
Matthew a aussi fait tomber près d’un mètre de pluie. Une quantité qui va longtemps laisser de l’eau stagnante — d’où une prolifération de moustiques et une augmentation des risques de transmission de maladies comme la dengue, le chikungunya, la malaria et le Zika.
Enfin, faut-il le rappeler, Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques. Un quart de la population se retrouve dans la catégorie «extrême pauvreté», définie par les Nations Unies comme étant un revenu de moins de 1,25 $ par jour. La moitié survit avec moins de 2 $ par jour. Le taux de mortalité chez les moins de 5 ans est six fois plus élevé qu’au Canada et aux États-Unis.
Des organismes d’aide internationale sont sur place depuis le séisme et acceptent les dons: Médecins sans frontières, la Croix-Rouge, Partners in Health.