Garde d’enfants: les demandes des minorités linguistiques écartées

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Le projet de loi fédéral sur les services de garde d'enfants ne contiendra pas de précisions sur les minorités de langue officielle. Photo: iStock.com/Rawpixel
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Publié 10/11/2023 par Camille Langlade

Le Sénat a rejeté le 9 novembre un amendement au projet de loi C-35 qui visait à assurer le financement sur le long terme des services de garde d’enfants dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a débattu de l’article 8 du projet de loi sur l’apprentissage et les services de garde (C-35), très attendu chez les francophones.

Ce dernier précise que «le gouvernement du Canada s’engage à maintenir le financement à long terme des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, notamment ceux destinés aux peuples autochtones».

Les CLOSM

Le sénateur René Cormier a proposé un amendement pour ajouter à la fin de cette phrase la mention «et aux communautés de langue officielle en situation minoritaire», ou CLOSM, qui désignent les francophones hors Québec et les anglophones au Québec.

«Certes, les ententes bilatérales conclues avec les provinces et territoires prévoient actuellement du financement envers les CLOSM, mais nous ne pouvons en aucun cas prendre cela pour acquis», a défendu le sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick.

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«Tout engagement qui n’est pas codifié dans une loi demeure précaire. Les gouvernements changent, les lois restent», a insisté le sénateur en réponse à ses collègues opposés à l’amendement.

Un «outil» devant les tribunaux

«Les CLOSM ne demandent pas un privilège, elles demandent d’être bien outillées sur le plan législatif afin que leur droit puisse être respecté partout au Canada», a tenu à souligner René Cormier en comité.

garde d'enfants
René Cormier.

Pour la sénatrice Lucie Moncion, l’amendement devait assurer un financement des services de garde d’enfants «non pas par le fédéral, mais par tous les paliers de gouvernement, sur une longue période».

«C’est extrêmement important parce que le gouvernement fédéral met des choses en place et ensuite, quand on arrive au niveau provincial ou territorial, c’est là où le mécanisme change souvent et c’est là où […] les droits des minorités linguistiques sont brimés», a-t-elle déclaré.

«L’histoire des francophones au Canada, c’est la réalité de devoir se battre constamment pour nos droits. Le sénateur Cormier a une pile d’exemples. […] Partout nous sommes devant les tribunaux parce que le Parlement n’a pas assuré la protection du droit des minorités dans la loi», a déploré la sénatrice.

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Or, tous membres du comité ne l’ont pas entendu de cette oreille.

Un amendement non nécessaire?

Pour la sénatrice Rosemary Moodie, cet amendement n’est pas nécessaire, car le projet de loi contient déjà des dispositions qui protègent les CLOSM dans l’article 7 portant sur les principes directeurs. Celui-ci mentionne les enfants «issus des minorités linguistiques francophones et anglophones» et la Loi sur les langues officielles.

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Lucie Moncion

La sénatrice ontarienne va plus loin en disant que l’ajout demandé par le sénateur Cormier pourrait porter préjudice.

«En adoptant cet amendement, il y aurait des inquiétudes et des préoccupations de la part de certaines provinces et certainement de la part des peuples autochtones et des autres communautés. C’est un problème qu’on créerait là où il n’y en a pas actuellement.»

Cheri Reddin, directrice générale du Secrétariat de l’apprentissage et de la garde d’enfants autochtones, a quant à elle rappelé l’absence de référence aux langues autochtones dans le projet de loi.

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Malaise

René Cormier s’est dit extrêmement mal à l’aise de voir des groupes et minorités mis en opposition.

«Cette conversation est extrêmement importante pour l’avenir, pour nos relations avec les peuples autochtones et les minorités linguistiques de ce pays. Le gouvernement ne doit pas nous diviser, d’aucune façon que ce soit. On doit être solidaire.»

«On ne demande pas davantage de financement, on demande que le financement soit maintenu. C’est là au cas où il y ait des affaires devant les tribunaux. C’est un outil, c’est tout. C’est la seule chose qu’on demande», a martelé le sénateur.

Un oubli «dangereux»

Un outil nécessaire, estime François Larocque, avocat et professeur titulaire au programme de common law français de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

François Larocque
François Larocque.

En octobre dernier, il avait d’ailleurs recommandé au comité de reconnaitre les CLOSM dans l’article 8.

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La mention des CLOSM dans les principes directeurs de l’article 7 ne garantit pas une protection totale, notamment devant les tribunaux, selon lui.

«Lorsqu’il s’agit des droits linguistiques, les cours judiciaires vont regarder ce que le texte dit. Si le texte est silencieux à l’égard des CLOSM, les cours vont inférer qu’il s’agit là de l’intention du Parlement», a-t-il assuré en entrevue avec Francopresse.

Pour lui, il était primordial de faire figurer les CLOSM dans l’article 8, déterminant dans ce texte de loi.

«Ça vient créer une brèche, un argument très fort pour un gouvernement qui dit: ‘non, on n’a pas d’obligation de créer des financements parce que dans l’article 8, l’article déterminant de cette obligation-là, on est silencieux à l’égard des cas’.»

Où sont les langues officielles?

«On a décidé de maintenir l’incohérence et ça, c’est problématique et c’est dangereux», lance François Larocque.

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Il rappelle en outre que le projet de loi C-35 sur la garde d’enfants devait aussi s’inscrire dans la continuité de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Or, il remet selon lui en question le sérieux de l’engagement pris par le gouvernement.

«Dans la loi sur les langues officielles, le gouvernement s’est pourtant engagé à prendre des mesures positives pour soutenir l’éducation des CLOMS de la petite enfance au postsecondaire.»

«Grande déception»

L’amendement, soutenu par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et la Commission nationale des parents francophones (CNPF), a finalement été rejeté par le Comité, à 7 votes contre 4, et une abstention.

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Jean-Luc Racine.

En entrevue avec Francopresse, Jean-Luc Racine n’a pas caché pas sa «grande» déception. «C’est la seule demande qu’on avait au Sénat.»

Mais le directeur général de la CNPF relativise. «On a quand même gagné, parce que quand le projet de loi a été présenté, il y avait zéro mention sur les langues officielles.»

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Pour lui, l’amendement engageait les gouvernements dans le cas de nouvelles ententes. «Là, il n’y a rien de sûr.»

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