Frankenstein est sorti de l’éruption du mont Tambora

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Publié 22/03/2016 par Harriet Vince

«L’étude de l’éruption du mont Tambora en 1815, dans notre contexte de changements climatiques et de destruction de la couche d’ozone, renforcera la conviction que la Terre, l’atmosphère et ses habitants sont interdépendants.»

C’est ce qu’a affirmé Danièle Caloz, de la Société d’histoire de Toronto, qui a relaté la suite de cet événement dans une conférence intitulée 1816: un été sans soleil, des leçons pour aujourd’hui mardi dernier à l’Alliance française.

L’éruption du mont Tambora, pourtant peu connue, sur l’île de Sumbawa dans l’archipel indonésien, en avril 1815, a fait environ 120 000 victimes. Pendant quatre ans, elle aurait entraîné des catastrophes agricoles, des famines, des émeutes et migrations dans toute la planète.

L’éruption fut huit fois plus importante qu’à Pompéi et 10 000 fois plus puissante que les explosions d’Hiroshima et de Nagasaki.

«À 1280 km de distance, le lieutenant-gouverneur de Java, Thomas Raffles, l’a entendue et a pensé qu’il s’agissait de coups de canon. C’est comme si quelqu’un de Toronto entendait le bruit d’une explosion à Halifax!», s’exclame Mme Caloz.

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C’est grâce à l’intérêt pour la faune et les phénomènes naturels de ce gouverneur de Java que nous avons des descriptions de l’éruption du mont Tambora et de sa violence.

Le progrès scientifique, l’étude des journaux de bord tenus sur les navires de la Royal Navy, ainsi que le travail du volcanologue suédois Haraldur Sigurosson, qui étudie le mont Tambora depuis plus de 20 ans, ont permis de sortir des résultats de ces recherches depuis une dizaine d’années.

Des événements étranges

Pour Danièle Caloz, si aucun lien n’avait été fait à l’époque, c’est parce que personne n’a su interpréter les signes qui se sont manifestés.

«Je me souviens avoir lu des histoires de voyage où l’on raconte qu’arrivée à l’île de Java, il y avait des îles de pierres ponces ou bien il y avait des pluies de centres. Toutefois l’auteur raconte cela au beau milieu du livre sans expliquer d’où cela vient. Ils n’ont jamais fait la relation», raconte-t-elle.

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Si l’éruption a fait de nombreuses victimes, elle a également bouleversé l’hémisphère Nord où, durant l’été et l’automne 1815, on a vu des couchers de soleil d’un rouge, orange et violet spectaculaires, comme l’illustrent des œuvres du peintre paysagiste William Turner.

«Je ne suis pas scientifique, ni climatologue», indique Mme Caloz, dont la compagnie Médiatique a produit plusieurs films documentaires. «Je ne peux pas vous expliquer avec assurance les variations climatiques qui ont lieu durant ces années-là. Toutefois, il est maintenant prouvé que les aérosols expulsés dans la stratosphère par un certain type de volcan peuvent nettement diminuer l’efficacité du rayonnement solaire.»

L’éruption volcanique aurait alors entraîné une baisse de la température moyenne de 0.5 à 1.5 degré Celcius, la modification des jets streams ainsi qu’un froid inhabituel en Amérique du Nord et une période de pluie intense en Europe.

«Les climatologues ont déterminé que l’année 1816 a été l’année la plus froide depuis 1400, après l’année 1601, qui a suivi l’éruption du volcan Huaynaputina au Pérou, la plus puissante éruption d’Amérique du Sud.»

Le changement de température a détruit les récoltes et l’Occident s’est retrouvé près de la famine, en particulier en Europe qui ne s’était pas encore rétablie des guerres napoléoniennes.

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Les écrits de Lord Byron, Mary et Percy Shelley ainsi que Jane Austen en ont été profondément influencés: c’est durant cette atmosphère de misère, morose et pluvieuse que naîtra le fameux personnage de Frankenstein qui exercera une influence durable sur la littérature et les arts populaires.

Les années suivant l’éruption seront tellement catastrophiques que la population européenne commence à migrer vers les États-Unis, en particulier les Irlandais.

À quand la prochaine?

«Parler de l’éruption du mont Tambora est important parce que les changements climatiques font partie de nos préoccupations actuelles. Cette éruption fait réfléchir. Moi, cela me dit qu’on doit prendre davantage soin de notre Terre et étudier la tectonique des plaques pour se préparer», précise Danièle Caloz.

«Sans que les risques soient imminents, les spécialistes pensent qu’une éruption semblable à celle du mont Tambora a 30% de chance de se passer dans ce siècle, et probablement en Indonésie, ou alors aux Philippines, au Japon, ou au Mexique», indique-t-elle.

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L’été sans soleil est aussi un documentaire d’Elmar Bartlemae (France, 2006), disponible sur You Tube.

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