François Truffaut, le hussard du cinéma français

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Publié 10/10/2006 par Aurélie Lebelle

«Il y a des livres comme des films qui vous embarquent», disait François Truffaut. Ses histoires, ses bouts de vies sur pellicule, ont emporté plus d’un spectateur dans un univers typiquement intimiste. Du Dernier métro à L’enfant sauvage, François Truffaut a laissé son empreinte sur le cinéma mondial et reste, plus de vingt ans après sa mort, l’un des pilliers du cinéma français. Pour rendre hommage à l’artiste, l’Office national du film et l’Alliance française ont organisé, le 5 octobre dernier, un ciné-jeudi spécial François Truffaut où son chef d’œuvre Les 400 coups et un documentaire ont été présentés.

«Le film de demain m’apparaît plus personnel encore qu’un roman, individuel et autobiographique comme une confession ou comme un journal intime. (…) Le film de demain sera un acte d’amour.» En 1957, François Truffaut est un jeune critique de cinéma aux idées arrêtées et novatrices. Il s’insurge contre un septième art français, traditionnel et sclérosé.

«C’est lui qui a initié le mouvement à travers son article novateur dans Les Cahiers du Cinéma. Le hussard qui a tiré son sabre le premier c’est Truffaut», explique Emmanuel Laurent, un spécialiste du cinéaste qui rédige actuellement un ouvrage sur les luttes similaires de l’impressionnisme et de la Nouvelle Vague et, en toile de fond, sur Manet et Truffaut.

Le jeune critique choisit de réaliser son propre «acte d’amour» avec la réalisation de son premier long métrage, Les 400 coups, l’une des premières œuvres d’un mouvement novateur, tant par la technique que par les sujets filmés

«La Nouvelle Vague et Les 400 coups ont bouleversé le cinéma mondial. C’est un très bon film qui est, historiquement parlant, très important. Il avait attaqué tout le monde dans ses articles; en 1958, il n’avait pas pu avoir d’accréditation pour le festival de Cannes. L’année d’après il obtenait le prix du jury pour Les 400 coups, c’était un événement et tout le monde en parlait.»

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Dédié à André Bazin, son ami décédé quelques mois auparavant, ce film ouvre, avec Les Mistons, le cycle Antoine Doinel, en partie autobiographique. Film après film, année après année, Truffaut montre l’enfance, l’adolescence et la vie adulte d’un personnage central. Là où son mentor littéraire Honoré de Balzac peignait la Comédie humaine, Truffaut filmait la vie d’Antoine Doinel. «Antoine Doinel est devenu la synthèse de deux personnes réelles, Jean-Pierre Léaud et moi», soulignait François Truffaut.

À travers son acteur phare, le cinéaste va filmer son enfance douloureuse, ses liens familiaux très tendus et son adoration pour Balzac. Baisers volés, Domicile conjugal ou encore L’amour en fuite viendront s’ajouter à la série Doinel et serviront de purgatoire aux souffrances de Truffaut. «Il n’avait pas en tête la série Doinel dès Les 400 coups. C’est quelqu’un qui lui a commandé L’amour à vingt ans, un petit court métrage, il a accepté et s’est pris au jeu. Cela lui a donné l’idée de faire un cycle Doinel.»

«On dit qu’un bon romancier écrit toujours le même livre, précise Emmanuel Laurent. C’est pareil pour un cinéaste. Ses meilleurs films comme L’argent de poche, L’enfant sauvage ou Les 400 coups racontent tous la même histoire à une époque différente. Les grands artistes ont une marque, ils traitent les sujets qui sont importants pour eux.»

François Truffaut avait ses thèmes de prédilection, ses sujets emblématiques. Alors que l’enfance reste l’une de ses sources d’inspiration les plus vastes, il évoque son amour des femmes et de la femme à travers le choix de ses héroïnes. Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Nathalie Baye, Isabelle Adjani ou encore Fanny Ardant, qu’il épousera en secondes noces, apportent à ses films une irrésistible beauté et un charme envoûtant. Dans La sirène du Mississipi ou L’histoire d’Adèle H, Truffaut donne à son héroïne une sensibilité nouvelle au cinéma. Mais le cinéaste s’est également plu à raconter des histoires d’amour impossibles où l’absolution ne pouvait advenir qu’avec la mort.

Dans Les deux anglaises et le continent, adapté du même auteur que Jules et Jim, le thème du trio amoureux s’achève irrémédiablement par un drame. «Truffaut s’est bagarré pour adapter le film et c’est la matière du livre elle-même qui est transposée dans le film. C’était un amoureux des mots et des textes. Je pense que c’est la plus belle adaptation littéraire portée à l’écran.»

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«Il arrive un moment où nous nous apercevons que nous connaissaons plus de morts que de vivants», disait Truffaut. La mort a obnubilé sa carrière et La chambre verte a été l’un des films où le cinéaste a matérialisé ses craintes et ses interrogations.

François Truffaut contait des histoires à travers ses films mais il jouait aussi sur une technique cinématographique nouvelle et propre à la Nouvelle Vague, dont il était l’un des chefs de fil. «La Nouvelle Vague a été révolutionnaire car les cinéastes tournaient à l’extérieur et en 16 millimètres. Ils avaient la caméra à l’épaule mais il n’y avait pas le son, sauf dans une scène des 400 coups lorsque Antoine Doinel est interrogé par les gendarmes. C’était perçu comme du baclage par le cinéma traditionnel. La Nouvelle Vague a donné plus de souplesse et de liberté à la prise de vue et de spontanéité à l’esthétique.»

Avec la pointe de sa caméra, le hussard a signé un nouveau ton empreint de liberté. «Les jeunes critiques de l’époque, comme Truffaut, avait une culture du cinéma phénoménale et ils étaient nourris et gorgés de cinéma américain que l’intelligentsia du moment, massivement communiste, trouvait trop commercial. C’est avec la Nouvelle Vague que l’on a commencé à parler du cinéma comme d’un art.»

Novateur donc, François Truffaut «n’a jamais renoncé à raconter des histoires. Il a réussi à lier la tendresse, et les choses plus simples et délicates, avec des résonnances plus dramatiques».

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