Franchise et vérisimilitude

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Publié 03/08/2010 par Jean-Luc Bonspiel

Comme la plupart des francophones habitant notre métropole propre et prospère, je ne peux quelquefois m’empêcher de m’imaginer être à la dérive dans un océan placide de débiles légers. J’aurais probablement la même impression si je vivais aux États-Unis.

Cela vient sans doute du fait que je me retrouve en situation micro-minoritaire et que nombre de mes pratiques, moeurs, et croyances vont à l’encontre du courant dominant.

Végépâté, suppositoires et caisses populaires sont rares ici, mais cela ne m’empêche pas de célébrer la diversité culturelle de Toronto avec enthousiasme.

Je dois néanmoins avouer ma déception lorsque je constate que cette infusion massive, constante, et bienvenue de sang neuf ne se traduit pas nécessairement par un paysage gastronomique aussi riche et merveilleux.

L’invasion des clones

Lorsque deux routes se croisent au coeur d’un village de taille respectable, on voit toujours champignoner les enseignes des mêmes chaines de pizza, de poulet, et de burgers.

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Ces stations de remplissage de panse surtout à base de féculents, de sirop de, mais, et autres bourrages bon marché, n’ont que le décor et certains rituels en commun avec de vrais restaurants.

Le véhicule d’investissement qu’est la franchise de restauration vise exclusivement la production d’un revenu prédéterminé à l’exclusion de tout autre but.

La qualité de l’expérience du client est purement accessoire est n’est tenue en ligne de compte que comme incitation à la consommation habituelle.

Professionnels s’abstenir

Autrefois, le métier de boucher faisait honorablement vivre une famille; aujourd’hui, les carcasses sont dépecées en usine par des ouvriers non-spécialisés.

C’est la prolétarisation à l’extrême, l’aliénation absolue d’un travailleur qui n’est que temporairement en place, jusqu’à ce qu’une machine arrive pour faire son travail mieux que lui.

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Au sein de l’entreprise de restauration franchisée, tout professionnel de cuisine dédié à la satisfaction de sa clientèle est par définition indésirable. On ne fait pas à proprement parler de la cuisine dans les franchises, on procède plutôt à de l’assemblage alimentaire.

Les réponses à toutes les questions sont dans la bible du franchisé qui a été livrée avec le décor. Toute déviation est rigoureusement punie par le gérant qui connaît le but ultime de l’opération: la maximisation des profits.

Lorsque votre serveuse vous demande gentillement si vous désirez des champignons grillés ou un café-cognac, ce n’est pas le signe d’un désir de mieux vous servir, mais plutôt d’une tactique pour gonfler votre facture que son gérant lui impose.

Médiocrité garantie

Manger dans un restaurant franchisé, c’est s’assurer de deux choses: d’avoir son plat préparé par une personne sans expérience ou passion gastronomique et être servi par une jeune personne qui ne pense qu’à la fin de son shift et son salaire déjà dépensé.

Ajoutez la gérance qui ne cherche qu’à maximiser votre potentiel comme source de revenus et vous en aurez certainement moins pour votre argent.

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Comme à la guerre

Tout comme l’armée, les franchises de restauration engagent des jeunes spécifiquement parce que ces derniers n’ont pas l’expérience pour savoir quand on leur impose des exigences déraisonnables. Des jeunes choisis pour leur fraîcheur, leur flexibilité, et leur optimisme qui seront bientôt désabusés.

Le service d’inspection municipal qui nous assure la salubrité des salles à manger devrait également signaler au dîneur insouciant si l’établissement en question est un restaurant véritable ou un ersatz industrialisé.

Les vrais artistes culinaires – les plus vernaculaires inclus – devraient être taxés à un taux inférieur. Car lorsque le but de l’opération n’est plus d’émerveiller et de séduire les convives, alors ce n’est plus de la restauration, c’est plutôt le gavage utilitaire des prolétaires et des plébéiens.

Et il n’y a pas un seul humain qui ait été mis sur terre pour procéder à une telle abomination.

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