France-Ontario: l’absence de collaboration judiciaire pénalise les citoyens

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Publié 08/07/2008 par Gérard Lévesque

Le Recueil de jurisprudence de l’Ontario a publié récemment (89 R.J.O. 3d 62) le texte de la décision rendue le 10 janvier 2008 par le protonotaire Robert Beaudoin dans l’affaire Lesecq, mineure par son tuteur à l’instance Lesecq c. École Montessori d’Ottawa.

La règle 56 des Règles de procédure civile de l’Ontario autorise le tribunal à rendre une ordonnance de cautionnement pour dépens s’il est établi que la partie demanderesse réside ordinairement en dehors de l’Ontario. Le but de cette règle n’est pas de conférer un avantage en érigeant une barrière automatique pour une partie non résidente de la province mais de fournir une protection aux défendeurs ontariens.

Dans ce dossier, les défendeurs ont présenté une motion visant à obtenir un cautionnement entre 35 000$ et 45 000$ puisque les demandeurs résident en France et que c’est là où sont leurs actifs.

Entre la France et l’Ontario, il y a un accord de réciprocité en matière de permis de conduire mais il n’y a pas d’accord de réciprocité pour l’exécution des jugements. Un jugement rendu dans un État n’est pas forcément reconnu dans un autre État; quand bien même un jugement serait reconnu dans un autre État que celui où il a été prononcé, cette reconnaissance n’implique pas qu’il ait une force exécutoire.

En l’absence d’une collaboration judiciaire, un jugement de l’Ontario peut tout de même être exécuté en France: il faut présenter à un juge de France une requête connue sous le nom latin exequatur et, si les conditions au préalable sont rencontrées, le juge va confirmer le jugement ontarien sans réviser les mérites de cette décision étrangère.

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En ordonnant à l’ex-employé de l’ambassade de France à Ottawa de déposer une caution judiciaire de 10 000 $ afin d’être autorisé à poursuivre sa réclamation devant le tribunal ontarien, le protonotaire a indiqué que cette somme était fixée au cas où la partie défenderesse aurait à retenir les services d’un avocat en France pour obtenir exequatur.

Dans sa décision, le protonotaire a souligné l’absence d’un accord de réciprocité avec la France en ce qui a trait à l’exécution des jugements. Ce n’est pas la première fois que le sujet de l’exécution des jugements avec la France est soulevé.

Depuis 1978, un accord bilatéral lie le Québec et la France dans ce domaine. En 1996, le Canada et la France signait une Convention visant à permettre aux provinces et territoires de conclure avec la France des ententes dans les domaines de compétence provinciale ou territoriale.

Pour favoriser l’adoption de cette convention par les provinces et territoires, la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada adoptait en 1997 une Loi uniforme sur la convention sur l’exécution des jugements. L’Ontario adoptait ensuite la Loi de 1999 sur les conventions relatives à l’exécution des jugements ; la loi autorisait la province à désigner par règlement les pays avec lesquels une convention a été conclue.

Pour des raisons politiques sur lesquelles nous reviendrons éventuellement, nous ne sommes pas prêts de voir un règlement désignant ainsi la France.

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Ce qui est certain, c’est que pour surmonter les obstacles, il faudra une volonté politique de la part des autorités fédérales, ontariennes et françaises.

Travailler à obtenir cette volonté politique devrait faire partie du plan d’action de tout individu et organisme soucieux d’établir des liens d’amitié entre Français et Ontariens car, lorsque les États ne collaborent pas entre eux, ce sont leurs citoyens qui en sont pénalisés.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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