France 24 entre en ondes

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Publié 12/12/2006 par Yann Buxeda

«Couvrir l’actualité avec un regard français [et] véhiculer partout dans le monde les valeurs de la France.» En quelques mots, le mandat de la nouvelle chaîne française internationale est défini. Défendre un point de vue français et le transmettre à l’étranger sera donc le mot d’ordre de France 24 dans les années à venir. Un souhait émis par le président Jacques Chirac le 7 mars 2002, alors que se profilaient les élections présidentielles.

Mais la manoeuvre, accueillie en son temps avec scepticisme par les détracteurs de l’actuel président, a dépassé le cadre électoral. En décembre 2004, un partenariat public-privé s’est vu privilégier par le consortium d’étude, et TF1 et France Télévisions ont raflé la mise. Un duo contre nature financé par l’État à hauteur de 80 millions d’euros par an. Il aura finalement fallu deux ans pour mener à bien le projet, et, mercredi dernier, France 24 est entrée en ondes à 20h29, heure française.

Une diffusion préalable sur Internet pendant 24 heures, suivie du lancement international sur les réseaux câblés de 40 pays. À noter également que le poste ne sera pas disponible par câble au Canada avant 2008, et que les amateurs de «perception française de l’actualité» devront s’informer via la diffusion en direct sur Internet. Un choix stratégique selon la direction, qui préfère «asseoir sa position sur des marchés moins risqués que celui du continent nord-américain pour le moment».

France 24 propose un journal en direct de dix minutes toutes les heures, au contenu renouvelé si l’actualité l’exige, ainsi qu’une rediffusion systématique chaque demi-heure. Une récurrence ponctuée de sujets variés, puisque les cases formées seront essentiellement remplies de reportages magazines sur des sujets aussi variés que l’humanitaire, l’environnement, la politique ou la santé. Quatre émissions de discussion des affaires publiques seront également diffusés.

Une programmation qui se veut donc éclectique mais informative et qui disposera d’un important réseau de professionnels. 170 journalistes de 28 nationalités différentes auront pour mission de couvrir l’information à travers le monde, sous accréditation directe de France 24, mais aussi grâce à divers partenariats. L’Agence France-Presse, RFO, RFI et d’autres agences internationales participeront également à l’aventure.

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Mais si France 24 se veut une chaîne de débats de société, elle en provoque un dont elle se serait bien passée. Nombreux sont ceux qui doutent en effet de la légitimité d’une telle chaîne, en présence de médias déjà installés comme TV5 Monde ou RFI. La première, notamment, craint de voir son mandat mis entre parenthèses avec l’avènement du nouveau-né.

TV5 Monde, ambassadrice inaliénable de la francophonie? Une certitude qui se perd jusqu’au coeur des rédactions, puisqu’au cours de ces dernières semaines, pas moins de quatre assemblées générales se sont tenues pour évoquer concrètement son avenir. Des questions récurrentes qui n’ont toujours pas obtenu de réponses, et qui, selon certaines voix internes, n’en obtiendront pas.

Certains mettent en effet en doute la réelle volonté de la direction de TV5 de préserver l’identité et l’influence de la chaîne, comme ce journaliste basé à Paris, qui se confie sous couvert d’anonymat: «Le président de TV5 Monde, François Bonnemain, a été conseiller de Chirac à Matignon (de 1986 à 1988), puis à la mairie de Paris (de 1988 à 1994), avant de prendre place au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – la régie de surveillance des médias audiovisuels français –, sous l’impulsion du président. Et il se murmure avec insistance dans nos couloirs que le mot d’ordre serait de ne pas troubler l’épanouissement du nouveau-né.»

Des soupçons à mettre pour le moment sous le coup de l’inquiétude, puisqu’aucune information officielle n’a transpiré à ce sujet.

À la direction de TV5, on joue la carte de l’apaisement: «Nous verrons bien de quoi sera fait l’avenir. Il n’est pour le moment pas question de s’inquiéter du lancement de France 24, qui n’aurait aucun intérêt à jouer sur le même créneau que nous. Il n’y a pas lieu de se focaliser sur cet événement mineur dans le cadre de notre développement.»

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Parmi les arguments avancés par la direction de TV5, le fait que les deux chaînes ne jouent pas sur le même créneau est un pilier. TV5 Monde propose une programmation francophone, alors que France 24 propose une vision française de l’actualité internationale.

Alors que la première jongle entre les bulletins de nouvelles nationaux de pays francophones et les émissions de variétés, l’autre se veut un outil exclusif d’information.

Un argument valable corroboré par la direction de France 24 quelque temps avant le lancement de la chaîne, à travers un document intitulé «Pourquoi TV5 Monde et France 24 sont-elles complémentaires?», censé apaiser les craintes: «Notre mandat n’est pas celui de la francophonie. TV5 Monde est une chaîne sensée promouvoir la francophonie dans le monde, et est le fruit d’un consortium de plusieurs chaînes partenaires pour le projet. Nous, nous sommes une chaîne française d’information qui diffuse en plusieurs langues. Ça n’a rien à voir, et il est beaucoup plus question de complémentarité que de concurrence.»

Les autres chaînes d’information françaises ne sont pas non plus épargnées par les inquiétudes, notamment avec la perspective de voire apparaître France 24 sur la TNT – offre télévisuelle disponible en France sans abonnement mensuel – à moyen terme. La question posée est de savoir si les règles de la libre concurrence seraient respectées si la chaîne financée par l’État avait accès au même potentiel de diffusion que ses concurrentes privées.

C’est notamment le cas de BFM TV, une chaîne TNT qui propose de l’information en continu, et qui dispose d’un budget de fonds privés de 15 millions d’euros par an. Une bagatelle comparée à la subvention de 80 millions accordée à France 24 pour assurer son fonctionnement sur sa seule première année.

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Mais là encore, pas de polémique légitime pour France 24, puisque les deux chaînes ne jouent pas sur le même terrain, affirme-t-on: «Le débat n’a pas non plus lieu d’être sur ce point. BFM TV et France 24 ont des lignes éditoriales complètement différentes. La première diffuse des informations franco-françaises le plus souvent à caractère économique, alors que nous traitons énormément de l’international.»

Pour le moment, la direction de France 24 se concentre sur un autre défi, celui d’investir un marché où la concurrence fait rage. D’abord proposée simultanément en français et en anglais, il sera question de développer des versions en arabe, espagnol, puis en chinois à moyen terme.

Toujours est-il que, selon la tradition française, chaque projet d’envergure est accompagné de ses failles et de sa cour de sceptiques. Assurément, l’évolution de France 24 apportera un grand nombre de réponses aux questions qui se posent.

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