Français vs anglais: les mots pour le dire… mais pour se faire comprendre? 

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Ce que comprennent peur-être les anglophones quand ils entendent «On a du pain sur la planche»...
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Publié 26/06/2022 par Lise Marie Baudry

J’ai récemment passé deux semaines à Montréal chez ma maman. J’y ai vu une publicité télé aussi rigolote qu’ambiguë sur l’usage du français en milieu de travail.

1 • Une jeune femme entre dans une salle de réunion et s’exclame: «On a du pain sur la planche!» Seconde séquence en anglais: «We have bread on the board!»… Avec une image de tranches de pain collées sur un babillard.

2 • Un homme arrive dans une usine et déclare: «J’en plein mon casque du trafic!» Seconde séquence: «My helmet is full of trafic!»… Et on a un plan de son casque de protection jaune rempli d’obstacles routiers miniatures.

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Dans les deux cas, l’annonce conclut par: «Le français en milieu de travail, c’est toujours mieux!» 

Traductions littérales: c’est rigolo

Cette campagne est financée conjointement par le Gouvernement du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), syndicat vénérable et connu pour sa grande ouverture d’esprit.

Maintenant, jouer avec des traductions littérales d’expressions idiomatiques, c’est toujours, je l’ai dit, rigolo.

Mais je suis quand même perplexe. Il est certain qu’il s’agit d’une campagne qui vise à convaincre les employeurs anglophones du Québec à franciser leur milieu de travail.

Mais, à mon avis, cela pourrait tout autant être interprété comme une incitation aux Québécois à améliorer leur anglais pour mieux communiquer avec leurs collègues anglophones.

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Mmmmmhhhhh, peut-être qu’une grande compagnie de marketing n’a pas fait assez de consultations. Qu’en pensez-vous?

J’ai envie de dire à ces deux respectables institutions: «Cessez de battre autour du buisson et coupez-moi un petit pantalon!» (Je pourrais faire une chronique complète avec cela.)

Les mots pour compliquer

Aveu: je suis la coauteure et productrice d’un petit manuel, publié en mars 1994 par la Direction générale de la condition féminine de l’Ontario, intitulé À juste titre – Guide de rédaction non-sexiste.

Eh oui, j’ai commis cela! Je ne le renie pas du tout. Je continue à ce jour à croire que les divers gouvernements ont le devoir d’éducation envers leur population sur les courants sociaux et leurs évolutions.

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Le document de Lise Marie Baudry (1994).

Après tout, personne ne lit un document public gouvernemental pour se laisser mouvoir par la poésie du texte. Quand j’écris encore des textes officiels, j’utilise encore (presque) scrupuleusement la féminisation.

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Sachez que les féminisations remontent au 13e siècle. La masculinisation est plus récente. Exemple: les Français ont donné le titre de maïeuticien quand ils ont voulu intégrer le métier de sage-femme dans les années 80. C’est un emprunt à la philosophie socratique. Mais le titre ne s’applique pas aux femmes!

La féminisation, c’est lourd

Je suis d’accord que, hors de ce type de documents, la féminisation, c’est lourd, lourd, lourd pour la lecture. Mon cœur de féministe doit lourdement le reconnaître. La littérature en pâtit beaucoup.

Et de grandes auteures francophones ont réussi à produire de la littérature féministe de grande qualité sans s’enfarger dans les fleurs du tapis genré qu’est la belle langue française.

À l’époque, cela faisait seulement depuis l’automne 1989 que la Loi sur les services en français de l’Ontario était entrée en vigueur. Ce fut du sport de faire comprendre à mes supérieures le concept du genre en langue.

Je crois que c’est le seul et unique document du gouvernement ontarien qui n’a été publié qu’en français.

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Vus dans un édifice à logements de Toronto.

Chiens et chats réfugiés politiques

Il n’y pas que francophones qui s’emmêlent dans leurs pieds langagiers. Une affiche électronique dans mon immeuble rappelle aux résidents les règles de base de l’utilisation des balcons pendant la saison estivale.

Il y en a une douzaine. Ça va de ne pas noyer les plantes du voisin d’en dessous à ne pas cracher ou jeter des mégots de cigarettes.

Mais il y en a une qui me fait craquer tous les jours: No cats or dogs defecting on balconies. (Il manque un «a»: defecating…)

Bien sûr, le nombre effarant de chats et de chiens qui demandent l’asile politique est devenu un vrai problème de société!

Auteur

  • Lise Marie Baudry

    Lise Marie Baudry œuvre depuis plus de 30 ans dans la francophonie ontarienne et torontoise. Elle a notamment été directrice générale du Centre francophone de Toronto. Ses opinions n'engagent qu'elle-même.

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