Financement des écoles confessionnelles: un sujet clé de la campagne électorale ontarienne

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Publié 26/09/2007 par Aline Noguès

Au début du mois de septembre, John Tory, chef du parti conservateur, ouvrait sa campagne par une proposition risquée: le financement par la province des écoles confessionnelles. C’est cette question qui a nettement ressurgi lors du débat des chefs de jeudi dernier, un débat plutôt terne à l’issue duquel le chef libéral Dalton McGuinty semble avoir perdu quelques plumes.

Mais le candidat conservateur risque aussi de subir les foudres électorales d’une population plutôt hostile à son projet de réforme. D’ailleurs, celle-ci n’est pas vue d’un bon oeil par les associations francophones de conseils scolaires de l’Ontario.

Denis Pommainville est le candidat conservateur de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell et est porte-parole de son parti pour plusieurs dossiers, dont celui de l’éducation. Comme M. Tory, il dénonce le fait que 53 000 étudiants soient scolarisés dans des écoles confessionnelles sur lesquelles la province n’a aucun contrôle. Sa plus grande crainte est que ces jeunes grandissent dans des systèmes à part, loin des valeurs canadiennes.

«L’intégration des enfants de l’immigration passe par la scolarisation. Or les enfants scolarisés dans ces écoles confessionnelles sont isolés et ne s’intègrent pas à la société ontarienne, la culture canadienne ne leur est pas transmise. Je crains que ce problème ne devienne de plus en plus sérieux, avec l’augmentation de l’immigration.»

Lorsqu’on demande à M. Pommainville s’il redoute un «embrigadement» des jeunes dans des écoles religieuses loin de tout contrôle gouvernemental, il hésite à cautionner le terme mais admet que «c’est une crainte à avoir».

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D’ailleurs, pour éviter de stigmatiser quelque communauté que ce soit, le candidat conservateur ajoute que le rattachement de ces écoles privées au système public concernerait toutes les écoles confessionnelles, «des écoles musulmanes et juives, mais aussi des sectes religieuses comme les mormons ou les mennonites».

En échange d’un financement, ces écoles privées confessionnelles devraient respecter trois critères: engager des professeurs accrédités par la province, respecter le curriculum ontarien et soumettre ses élèves aux tests provinciaux. Le rattachement de ces écoles confessionnelles au système public se ferait sur la base du volontariat.

Mais volontariat ou pas, cette possible extension du financement de l’éducation envers des écoles confessionnelles fait bondir Ronald Marion, président de l’association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACEPO).

Il ne s’oppose pas à ce que la province effectue des contrôles dans des écoles privées mais dès lors qu’il est question d’y investir en espèces sonnantes et trébuchantes, la pilule passe un peu moins bien. «C’est dejà difficile de financer deux systèmes d’éducation! Nous avons besoin d’encore plus d’investissements de la part de la province. Financer ces autres écoles confessionnelles serait donc une perte d’argent pour nous.»

Le candidat conservateur souhaite en effet octroyer 400 millions de dollars à ces écoles confessionnelles… de l’argent que les écoles déjà financées par la province ne voudraient pas perdre. «Financer d’autres écoles ne serait pas avantageux, ni pour nous, ni pour le contribuable.»

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M. Marion dénonce aussi cette proposition pour un autre motif. «Il existe un risque de fuite de nos élèves francophones vers ces écoles confessionnelles devenues gratuites et un risque de multiplication de petites écoles. Mais comment faire vivre toutes ces écoles et donner aux enfants une formation de qualité? Les ressources seraient éparpillées.»

Pour le président de l’ACEPO, le fait qu’un système scolaire confessionnel soit déjà financé par la province ne change rien au débat. «Le financement du système scolaire catholique est une concession qui a été décidée au niveau constitutionnel mais cela ne crée pas d’obligations futures.» Ronald Marion va même plus loin et avoue qu’il préférerait voir l’avènement d’un seul système d’éducation, ce qui permettrait de mieux utiliser les fonds distribués par la province. Mais ceci est un autre débat…

De son côté, Robert Tremblay, président de l’association franco-otarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), n’est pas non plus très enthousiaste à l’idée d’une extension du financement provincial envers de nouvelles écoles confessionnelles. «Il est vrai que ces 400 millions pourraient être utilisés ailleurs. Nos écoles catholiques ont elles-mêmes besoin d’investissements pour se développer et retenir les francophones tentés de partir vers le système scolaire anglophone.»

Mais Robert Tremblay surveille bien d’autres déclarations de campagne: comment mieux aider les enfants en difficultés? Y aura-t-il un financement à temps plein des jardins d’enfants? Le président de l’AFOCSC est néanmoins prêt à se pencher sur la question du financement des autres écoles confessionnelles. «Si les Conservateurs remportent les élections et mettent en place une commission, nous y participerons.»

Les Conservateurs n’ont-ils pas risqué gros en se lançant dans un tel débat? Ils regretteront peut-être bientôt de l’avoir soulevé.

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