Faut-il réinventer John Ralston Saul… ou nos médias?

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Publié 27/04/2010 par Réjean Beaulieu

Pas facile de faire la promotion de la dualité linguistique sur la côte ouest maintenant que ces Jeux sont terminés. Ce n’était déjà pas facile avant et pendant.

Différence cette fois-ci: un auditoire sympathique voulant désespérément entendre de bonnes nouvelles en matière de français après les lendemains de la veille et s’y être tant investi antérieurement. Notons que les participants avaient été informés au préalable que la conférence serait prononcée dans «les deux langues officielles du Canada».

John Ralston Saul, l’auteur émérite des Bâtards de Voltaire ainsi que membre fondateur de l’ONG Le français pour l’avenir, s’essayait en mars dernier à la promotion de la dualité devant plus d’une centaine de personnes au gros amphithéâtre de SFU au centre-ville de Vancouver. Des étudiants du BAFF (Bureau des affaires francophones et francophiles), des moins jeunes aussi, et des visages familiers de la francophonie locale s’y sont présentés. L’auditoire était donc principalement associé à la sphère institutionnelle.

Signalons l’absence de membres issus des minorités dites visibles, même si on nous faisait grandement part de ce nouvel apport démographique à la francophonie minoritaire. Peu d’Asiatiques également, compte tenu de la démographie ambiante. Une majorité de participants à la mine caucasienne rappelait toutefois ces cérémonies olympiques récentes…

Félicitons d’abord le conférencier pour avoir osé tenir sa prestation en grande partie en français sans automatiquement répéter les propos importants en anglais, tel que généralement observé dans les espaces publics du milieu minoritaire. Les idées étaient individuellement présentées dans une langue, et un pont linguistique succinct servait de transition. Hmm, pas facile de «Réinventer la langue de la citoyenneté»…

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Le Canada, pays méti

Ralston Saul a fait un grand cas de l’histoire francophone/métis de la Colombie-Britannique et de la diversité des nations qui jadis existait. Par exemple, James Douglas, le premier gouverneur de la province parlait français à la maison, était Métis lui-même et avait marié une Métis francophone. Plusieurs idées de son ouvrage portant sur le Canada comme nation Métis étaient reprises.

L’intello par excellence de l’establishment libéral ontarien s’en est également pris au modèle européen de l’État-nation («westphalien») dans lequel les minorités doivent être systématiquement décimées, pour correctement appartenir à cet idéal de pureté linguistique, culturelle, religieuse pour ne pas dire raciale.

Hmm, pas facile non plus de réinventer un franco vivant en milieu minoritaire, compte tenu de l’auditoire présent ce soir-là et de la pensée unique observée dans les cercles de la promotion de la dualité…

Quel intérêt pour les néos

Période de questions oblige, une intervenante demande à Ralston Saul comment notre histoire Métis peut-elle possiblement être d’intérêt à un nouveau Canadien pour qui l’Histoire est le plus souvent un sujet douloureux à éviter, sans compter ses préoccupations immédiates du gagne-pain, du logis et de l’intégration. La question semble évitée.

Une brochure récente de la municipalité de Burnaby a été publiée en chinois, punjabi, coréen, anglais et italien, mais pas en français! Ma question: comment la «langue de la citoyenneté» peut-elle mieux tenir compte des nouvelles réalités démographiques?

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Ralston Saul répond avec regret que la dualité linguistique n’a pas été suffisamment promue par nos gouvernements. Notons que la nouvelle de Burnaby a été tout autant évitée par l’ex-vice-roi que par nos propres médias…

Ralston Saul incarnait ce soir-là de façon tout à fait magistrale les blocages de la francophonie: un élitisme débranché incapable de se renouveler suite à un glorieux passé. Tout l’espace respirable est occupé par l’élite des circuits de cocktails, la citoyenneté s’en portant fort mal. La «fatigue» de la délocalisation devient telle que toutes nouvelles donnes ne peuvent plus être reconnues.

Plutôt que de prétendre «Réinventer la langue de la citoyenneté», peut-être John Ralstoin Saul devrait-il plutôt aspirer à se réinventer en premier lieu? Non, ce n’est pas facile de réinventer un franco vivant en milieu minoritaire! Mais n’est-ce pas là le véritable défi?

En bout de ligne, la conférence aurait certes mérité de meilleurs lendemains dans nos médias. Pourquoi donc a-t-elle été évitée? Et peut-on réinventer Ralston Saul sans réinventer nos médias?

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