Faut-il réécrire l’histoire?

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L'ancien Édifice Langevin, en face du Parlement, à Ottawa, a été rebaptisé en 2017 Édifice du Bureau du premier ministre du Canada.
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Publié 25/08/2017 par Paul-François Sylvestre

Doit-on faire disparaître une statue ou une plaque parce qu’elle rend hommage à un personnage jugé controversé un siècle plus tard?

Les exemples ne manquent pas de nos jours, que ce soit à Ottawa (Langevin), à Halifax (Cornwallis) ou à Montréal (Jefferson Davis). Les émeutes à Charlottesville relancent le débat et ce mouvement pourrait s’étendre à Toronto si on applique une certaine logique.

Aux États-Unis, toute statue du militaire sécessionniste Robert Edward Lee donne lieu à des débats, pétitions et manifestations. Bien que la statue équestre située à Charlottesville figure au registre national américain des lieux historiques, les groupes antiracistes rappellent que Lee possédait des esclaves à Arlington (Virginie) et n’hésitait pas à les faire fouetter en sa présence, ordonnant même à un gardien de verser de la saumure sur leurs plaies.

On connaît les émeutes raciales qui ont enflammé la paisible Charlottesville. Quelques jours après ces événements, la Compagnie de la Baie d’Hudson a décidé de retirer une plaque rendant hommage au controversé président des États confédérés d’Amérique, Jefferson Davis, qui était apposée sur son commerce au centre-ville de Montréal.

La statue d'Edward Corwallis à Halifax.
La statue d’Edward Corwallis à Halifax.

À Halifax, la statue d’Edward Cornwallis, dans le parc qui porte son nom, donne lieu à tout un débat. Cet officier militaire britannique est considéré comme le fondateur de la ville, en 1749; la même année, il aurait promis une récompense monétaire à toute personne ayant tué un Amérindien micmac.

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À Ottawa, c’est l’édifice (Hector-Louis) Langevin qui a fait couler beaucoup d’encre. Langevin est un Père de la Confédération et on le dit aussi «père des écoles résidentielles pour Indiens». Plusieurs historiens estiment qu’il a tout simplement obéi aux ordres du premier ministre John A. Macdonald. Faudrait-il alors faire disparaître l’effigie de Macdonald sur le billet de dix dollars?

Le premier Premier ministre du Canada, John A. MacDonald, sur nos billets de 10$.
Le premier Premier ministre du Canada, John A. Macdonald, sur nos billets de 10$.

Les Franco-Ontariens pourraient créer un mouvement pour faire disparaître une statue et un nom très connus à Toronto. On sait que le gouvernement provincial a présenté des excuses officielles pour avoir édicté le Règlement 17, qui interdisait l’enseignement en français de 1912 à 1927.

Or, cette décision a été prise sous le règne du premier ministre conservateur James Pliny Whitney. Une statue de cet homme se dresse sur la pelouse de Queen’s Park et un édifice nommé en l’honneur de Sir James Whitney s’élève à quelques rues de là. Faut-il les rayer de la carte?

Poser la question revient à se demander si on doit réécrire l’histoire pour être politiquement corrects.

C’est pour maintenir de bonnes relations avec les Premières Nations que Trudeau a renommé l’Édifice Langevin qui s’appelle désormais le Bureau du premier ministre et du Conseil privé. Je suis certain que Kathleen Wynne n’accepterait pas de renommer l’Édifice Whitney, encore moins de faire disparaître sa statue devant l’Assemblée législative.

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L’an passé, suite à des révélations sur les tendances pédophiles de Claude Jutra, on a annoncé que le nom Jutra ne désignerait plus le gala annuel du cinéma québécois. Quand il est question de sexualité, l’argumentaire prend toujours plus de poids. Être pédophile est plus condamnable qu’être francophobe.

La statue de James Whitney à Queen's Park.
La statue de James Whitney à Queen’s Park.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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