Fatalité orientale

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Publié 05/06/2007 par Carl E Arkantz

Le Liban est encore une fois sur le fil du rasoir. Le 21 novembre 2006, l’assassinat de Pierre Gemayel avait relancé la coalition anti-syrienne du 14 mars. En réponse, le Hezbollah et les chrétiens du général Aoun organisaient un vaste sit-in avec des tentes sous les fenêtres du Sérail, le siège du gouvernement libanais afin de réclamer la démission du Premier ministre Fouad Siniora.

Hasard ou coïncidence, ce 21 novembre, le Conseil de Sécurité des Nations Unies donnait son feu vert pour la création d’un tribunal international chargé de juger les assassins présumés de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, tué à Beyrouth, lors d’un attentat terroriste, le 14 février 2005.

Le parlement libanais devait ratifier ce projet. Or, au sein de ce parlement, les factions pro-syriennes ne veulent pas entendre parler d’un quelconque tribunal, puisqu’il mettrait en cause Damas, comme l’a démontré le rapport de la mission d’enquête de l’ONU, même si rien ne semble fiable.

L’imbroglio proche et moyen oriental, lié au conflit israélo-arabe, se double désormais de la variable irakienne. Variable car dans cette équation, l’Irak est devenu le creuset de tous les terrorismes. L’invasion américaine, présentée comme une guerre de libération, si elle a mis à bas le régime dictatorial de Saddam Hussein, n’a en rien réglé le problème régional. Comme beaucoup de pays multiconfessionnels de la région, si l’on considère tant les ethnies que les mouvances religieuses, l’Irak menaçait d’implosion.

Le totalitarisme d’un clan sunnite avait réussi à maintenir une cohésion forcée au prix d’une guerre régionale avec l’Iran, voulue et soutenue par l’Occident et l’Union soviétique, et des exactions régulières allant jusqu’aux massacres à l’intérieur du pays. En supprimant ce régime par la force sans lui proposer une réelle alternative, les États-Unis et leurs alliés ont réalisé le véritable tour de force d’une déstabilisation régionale dont personne ne peut prédire l’issue.

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Ainsi, ils ont permis, incidemment à moins que ce ne soit à dessein, aux chiites jusqu’alors brimés d’affirmer leurs revendications territoriales, poussés par leur tuteur iranien. Cette menace chiite n’est pas du goût de l’Arabie saoudite et des monarchies du Golfe, ni même de la Syrie ou de la Jordanie. L’heure de la revanche n’a-t-elle pas sonnée entre les frères musulmans?

Au Liban, la guerre menée par Israël en représailles contre le Hezbollah, durant l’été 2006, a non seulement affaibli le pays du Cèdre et son gouvernement, détruit des années de reconstruction, mais a légitimé le Hezbollah lui même, qui se gargarisant d’une victoire sur l’État hébreu met à mal le Liban. D’autant que le Hezbollah, rejoint par le général Aoun, s’affiche comme un des meilleurs soutiens de Damas dans la région.

Depuis une semaine, l’armée libanaise livre un combat meurtrier contre un groupe extrémiste sunnite, Fatah al-Islam, retranché dans le camp de réfugiés palestinien de Nahr-al-Bared, près de Tripoli, dans le nord du pays. Fatah al-Islam a commencé à faire parler de lui, dès le 26 novembre 2006. Mouvement islamiste qui serait officiellement né d’une scission du Fatah-Intifada, il a pour but avoué de «combattre les Juifs en Palestine» et de «défendre les sunnites contre leurs ennemis».

Si tel est le cas que vient-il faire au Liban? S’il doit défendre les sunnites, pourquoi ne va-t-il pas en découdre avec le Hezbollah?

Il n’est pas étonnant que c’est à la veille de l’annonce de la présentation du projet de tribunal spécial au Conseil de Sécurité des Nations-Unies que ce groupe terroriste fasse parler de lui avec un discours ressemblant étonnamment à celui d’al-Qaïda. De même, trois bombes ont explosé, deux dans Beyrouth, la première dans le quartier chrétien, la seconde dans le quartier musulman, la troisième dans la ville druze d’Aley.

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Des combats au nord, des bombes dans le centre du Liban, des militants de Fatah al-Islam qui auraient transité par la Syrie, laquelle à fermé ses frontières, tout semble encore accuser Damas.

Et si Fatah al-Islam n’était pas lié à la Syrie, mais serait une de ces nébuleuses, financées par l’Arabie Saoudite comme de nombreux mouvements salafistes? Il semblerait que les militants du Fatah al-Islam n’aient d’ailleurs pas de problèmes d’argent selon certains témoins.

Certains ne manqueront pas de voir dans cette affaire le doigt de Washington. Comment expliquer en effet que le gouvernement libanais se soit prioritairement tourné vers les États-Unis, et que ceux-ci aient «offert» des équipements militaires à l’armée libanaise.

On pourrait également sourire aux propos du chef de Fatah al-Islam, Chaker al-Absi (s’il s’agit bien de lui) interviewé au téléphone par les journalistes de France Télévision sur le «miracle irakien». Nous ne devons pas avoir la même interprétation de la notion de miracle. À moins qu’on ne considère le chaos et la destruction systématique de victimes innocentes, majoritairement arabes, d’attentats pratiquement quotidiens comme une opération divine.

On pourrait en rire. C’est pourtant triste à pleurer. D’autant que Fatah al-Islam menace de «brûler le Liban». Au cynisme des uns répond le cynisme des autres. Le cynisme des pourvoyeurs de fonds et des apprentis sorciers comme celui des tueurs patentés, quelle que soit l’étiquette dont ils s’affublent, ne grandit ni ne grandira l’Humanité.

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