Farce grinçante sur le monde tel qu’il est

Romance

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Publié 30/05/2006 par Pierre Karch

J’ai parlé plus d’une fois, dans ce journal, du dramaturge américain David Mamet. Sa dernière pièce, Romance, dénonce, comme Oleanna, l’hypocrisie que cache la rectitude politique. Mais elle le fait par le rire.

La première scène se déroule dans une cour américaine comme l’indique le drapeau des U.S.A. Au mur se trouve accroché un écusson portant la devise «Instapundo delenda est». C’est le premier indice que le spectateur voit, en entrant dans la salle, du ton que va prendre cette pièce.

Personne autour de moi ne reconnaissait cette devise écrite en gros caractères autour d’un aigle plus gras que féroce. C’est dire l’âge moyen des inconditionnels de Mamet.

L’écusson et sa devise appartiennent à une «société», Alliance of Free Blogs, avec laquelle on peut se familiariser en se rendant sur le site suivant et quantité d’autres semblables: http://gevk.affeegal.typepad.com/the_alliance. On y parle de tout sans révérence. Et la mascotte est un gros lapin en peluche.

C’est dire l’importance que prennent les accessoires qui, dans une pièce de théâtre, sont souvent des signes révélateurs.

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Personnages

La cour est l’endroit tout désigné pour que la vérité se fasse connaître et que le coupable soit châtié. Mais l’accusé (David Ferry) réussit à faire de son procès une véritable farce qui tourne en dérision le procédé judiciaire. Il va jusqu’à dire : «Comment? Tu es un avocat et tu ne peux pas mentir?»

Il a la partie d’autant plus facile que presque tous les personnages sont des caricatures à la Daumier.

Dans cette pièce de 75 minutes, jouée sans entracte, on ne respecte rien ni personne. Les juifs se moquent des chrétiens dont les prêtres sodomisent les enfants de chœur. Les chrétiens bénissent le ciel de ne pas être nés juifs.

Le procureur (Stewart Arnott) a un amant, Bernard (Brendan Gall) qu’il appelle Bunny, seconde référence à la dite société qu’il ne faut jamais perdre de vue puisque les dialogues farfelus, qui tombent souvent dans l’absurde, imitent les échanges qu’on peut lire sur le site et auxquels on peut prendre part.

Bernard, en slip, fait une scène à l’avocat pour des raisons frivoles, une histoire de rôti brûlé. Bernard a eu une aventure avec l’accusé qui l’a aussitôt abandonné à Hawaï. Le juge (Don Allison) a passé une semaine dans l’île espagnole Ibiza, avec l’huissier (Steven Manuel), mais, précise-t-il, dans la partie de l’île qui n’est pas gaie, ce que personne ne croit.

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La situation

À défaut d’intrigue, il y a des situations. À l’extérieur de la cour se tiennent des pourparlers de paix entre Arabes et Juifs. Mais, comme bien l’on pense, cela se termine mal.

À l’intérieur, le procès s’étire en longueur car chacun y apporte ses problèmes personnels, tant et si bien qu’un personnage commente: «Comment peut-on régler les conflits mondiaux quand on n’arrive même pas à mettre fin aux disputes entre individus?»

Durant un de ses rares moments lucides, le juge, pédophile et incestueux, déclare que nous sommes tous coupables, ce qui est la position chrétienne, celle du «mea culpa» et celle du juste qui pèche au moins sept fois par jour. À la fin chacun s’accuse de quelque chose. C’est la foire, ou le jugement dernier, ce qui revient au même.

Vue d’ensemble

Pour un coup d’essai, la mise en scène de Irene Poole me semble être un coup de maître. Le rythme rapide, propre à la farce, est maintenu du début à la fin. La troupe de théâtre Pilot Group est excellente.

C’est sans doute un peu fou comme le titre qui n’a selon moi aucun rapport avec le texte, mais, comme tout ce qu’écrit Mamet, cela porte à la réflexion.

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Romance de David Mamet, dans une mise en scène de Irene Poole, au théâtre de la rue Berkeley, jusqu’au 10 juin 2006. Billeterie : 416-368-3110.

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