Et si votre enfant était hypersensible?

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Face aux défis, certains enfants semblent plus anxieux que d’autres: hypersensibles.
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Publié 01/03/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

L’anxiété serait-elle le mal du siècle? On dirait qu’il y a de quoi avec les changements climatiques, la surconsommation, l’endettement, les inégalités sociales, l’équilibre famille-travail…

Nos jeunes ne sont pas épargnés même si leurs préoccupations sont d’un tout autre ordre: les notes à l’école, leur choix de carrière, les médias sociaux, l’image corporelle, les relations sociales et familiales pour n’en nommer que celles-là.

Mais, comment expliquer le fait que, face aux défis, certains enfants semblent plus anxieux que d’autres? La réponse pourrait être l’hypersensibilité.

Peur d’avoir peur

Popularisé dans les années 2000 par la docteure Elaine N. Aron, psychologue américaine et auteure du livre Ces gens qui ont peur d’avoir peur – Mieux comprendre l’hypersensibilité, le terme «HSP» pour «highly sensitive person», ou personne hypersensible, s’appliquerait à entre 15% et 20% de la population mondiale.

Ce trait se manifesterait également, et dans les mêmes proportions, chez certains animaux comme les chiens, les chats et les chevaux.

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Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’un trouble mental, sinon d’un câblage différent du cerveau qui se réalise lors du développement du foetus. Mais cette différence ne se manifeste pas de la même façon chez tous les hypersensibles.

Beaucoup dépend de la façon dont l’hypersensibilité est perçue par l’entourage de l’enfant.

Les mythes

Les mythes concernant l’hypersensibilité sont très nombreux et méritent qu’on en examine quelques-uns:

Les hypersensibles sont faibles. Plus sensibles à la douleur, physique et émotionnelle, ces personnes sont facilement émues et pleurent plus souvent que les autres. Par contre, cela n’est pas forcément un signe de faiblesse. Leur empathie et intuition leur permettent de percevoir ce qui pourrait échapper au commun des mortels.

Ils sont introvertis. Bien que l’hypersensibilité et l’introversion ont de nombreux points en commun, environ 30% des hypersensibles sont en fait des extravertis.

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Ils sont timides. On pense, à faux, que les sensibles sont timides ou névrosés. Pourtant la docteure Aron explique que «La timidité est liée à la crainte d’être évalué socialement et elle n’est pas innée.» Autrement dit, la timidité est apprise. L’hypersensibilité ne l’est pas.

Les garçons et les hommes ne sont pas hypersensibles. La sensibilité n’a rien à voir avec le sexe de la personne. Selon Mme Aron, il y aurait autant d’hommes sensibles que de femmes.

Ils souffrent de troubles physiques ou mentaux. L’hypersensibilité, comme beaucoup d’autres traits de la personnalité, dépend des facteurs génétiques et environnementaux. Une personne sensible n’est pas plus à risque de souffrir de maladies physiques ou mentales que les autres. Un environnement stable favorisera son développement.

Ils sont agoraphobes (une peur et une anxiété concernant différentes situations dans lesquelles il pourrait être difficile de s’échapper). Il est vrai que les hypersensibles préfèrent les activités solitaires, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne profitent pas des activités sociales.

Ils n’aiment pas prendre des risques. Beaucoup de personnes sensibles recherchent des occasions de servir les autres et certaines sont même friandes de sensations fortes.

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On les repère facilement. Il est difficile, voire impossible, de distinguer une personne hypersensible d’une personne non-hypersensible.

Le cerveau des hypersensibles

Des chercheurs de l’Université de Stony Brook dans l’état de New York ont réalisé une étude chez des sujets hypersensibles. Ces tests, basés en partie sur des résonances magnétiques, leur ont permis d’observer l’activité biochimique des différentes structures cérébrales.

Les résultats des six enquêtes effectuées, publiés dans la revue Brain and Behavior en 2014, ont prouvé que les gens hypersensibles, en raison d’une surexcitation des zones neuronales touchant les émotions, perçoivent ce que les autres ne perçoivent pas.

Leur cerveau émotionnel est doté d’une empathie exceptionnelle orientée vers la sociabilité. D’après les résultats de cette étude, deux régions du cerveau sont touchées chez l’hypersensible: le cortex frontal et l’insula.

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Le cortex frontal et l’insula, les deux régions du cerveau très actives chez la personne hypersensible

Le cortex frontal inférieur renferme les neurones miroirs qui remplissent une fonction sociale et sont présents à la fois chez les êtres humains et les primates. Situés près de la zone du langage, ces neurones sont liés à l’empathie et nous permettent de comprendre les émotions des autres.

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L’insula, ou cortex insulaire, est une petite structure située très profondément dans le cerveau. Il fait partie du système limbique dont le rôle consiste à influer sur nos émotions et notre vision particulière du monde. Le résultat chez l’hypersensible est un seuil de tolérance plus bas pour tout ce qui touche aux cinq sens (odeurs, lumière et bruits forts, douleur, etc.).

Les signes de l’hypersensibilité

La docteure Aron a dressé le portrait des êtres sensibles à l’aide de quatre piliers, ou fonctions, résumés par l’acronyme DOES:

D – depth of processing (traitement profond des informations)

O – easily overstimulated (surstimulé facilement)

E – emotionally reactive and high empathy (des réactions vives d’un point de vue émotionnel, et en particulier une forte empathie naturelle)

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S – being aware of subtle stimuli (la conscience de stimuli subtils qui échappent aux autres)

Ces quatre facultés peuvent se manifester de plusieurs façons. Bien que les 15 signes de la liste non exhaustive qui suit puissent signaler une hypersensibilité, un diagnostic doit être posé par un professionnel de la santé dûment formé dans ce domaine:

Plus de stress et d’anxiété. Les hypersensibles qui connaissent des situations difficiles en portent plus longtemps les cicatrices.

Intolérance aux critiques et aux conflits. Comme les hypersensibles s’évaluent et se critiquent en permanence, ils acceptent mal les critiques des autres et évitent les conflits qu’ils ont tendance à intérioriser et vivre très négativement.

Surcharge de travail. La personne hypersensible aime faire une chose à la fois. Les demandes qui fusent de toutes parts ou les délais trop serrés lui causent beaucoup de stress.

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Fatigue. La surcharge émotionnelle et sensorielle est responsable d’une grande fatigue mentale et physique chez l’être hypersensible. Elle peut aussi être une source d’irritabilité.

Solitude. Comme ils ne sont pas toujours à l’aise dans des situations sociales et en raison de la sur-stimulation, les hypersensibles ont plus souvent que les autres besoin de solitude.

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Les êtres sensibles ont besoin de solitude.

Perfectionnisme. Les hypersensibles sont méticuleux et attentifs aux détails parce qu’ils n’aiment pas se tromper. Très peu de choses leur échappent.

Indécision. Chez l’hypersensible, la surcharge d’émotions, la peur de se tromper et une tendance à tout analyser de tous les points de vue font en sorte qu’il a de la difficulté à prendre des décisions.

Culpabilité. Les mauvaises décisions ne sont pas facilement digérées pas les hypersensibles qui ressassent leurs choix du passé.

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Des sens hyper-développés. Certains experts disent que ce que ressent la personne hypersensible grâce à ses cinq sens peut être jusqu’à dix fois plus intense que ce que ressentent les autres. Sous une apparence calme peut couver toute une tempête d’émotions que l’hypersensible trouve parfois difficile à gérer.

Vivacité de réaction. Comme l’hypersensible absorbe les émotions des autres, il peut avoir des réactions émotionnelles qui semblent déplacées, comme une crise de larmes soudaine et sans raison apparente.

Violence. Ils ne la supportent pas. Sous aucune forme.

Travail en équipe. L’être sensible travaille bien avec les autres. Créatif, observateur et très empathique, il s’attire les sympathies.

Une forte empathie. L’hypersensible se soucie des autres et veut leur bonheur. Il est à l’écoute de leurs besoins. Malheureusement, sa tendance à absorber leurs émotions et à les greffer aux siennes l’empêche parfois de distinguer ses propres émotions de celles des autres.

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Respect et bienveillance. Comme les gens hypersensibles sont très intuitifs, ils sont capables de capter des signes de détresse et d’inconfort chez les autres. Ils ajustent leur attitude en conséquence et deviennent plus bienveillants et prévenants.

Appréciation de la beauté. Un livre, une chanson, un coucher de soleil ou un tableau peut émouvoir aux larmes l’hypersensible. Il est très proche de la nature et des animaux.

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Les personnes hypersensibles ont un lien particulier avec les animaux.

Comment soutenir les enfants hypersensibles

L’hypersensibilité n’est pas un choix, mais un trait inné. Il est malheureux que cette différence ne soit pas appréciée de tous de la même façon. En Asie, par exemple, les êtres sensibles semblent mieux acceptés qu’en Amérique du Nord.

Étant donné les signes de l’hypersensibilité, on peut se demander si les parents et l’école sont bien équipés pour répondre aux besoins des enfants qui possèdent ce trait. L’anxiété d’un parent peut affecter négativement un enfant hypersensible alors qu’une attitude calme l’apaisera. La compréhension et l’acceptation de la famille aideront l’enfant à mieux vivre sa différence.

À l’école, des classes moins nombreuses permettront aux professeurs d’être plus attentifs aux besoins de tous leurs élèves, en particulier à ceux des enfants hypersensibles. Un personnel de soutien qualifié appuiera les professeurs et ensemble, ils favoriseront le développement de ces jeunes qui n’aiment pas forcément se faire remarquer.

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Certaines personnes pourraient voir l’hypersensibilité comme un défaut. Mais peu d’individus voient et ressentent le monde comme la personne sensible. Loin d’être un désavantage, l’hypersensibilité peut être un cadeau précieux pour notre société qui manque cruellement d’empathie et de compassion.

Pour en savoir plus long sur l’hypersensibilité et le travail de la docteure Aron, cliquez ici.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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