J’étais donc reparti à Paris. Mes parents m’avaient trouvé un logement, par l’intermédiaire d’une prof de math parisienne qui venait en vacances dans le village voisin des Roches. Elle m’avait donné des cours de maths lorsque j’étais revenu de Saint-Louis de Saumur pour passer au collège de Chinon.
Les jésuites de Saumur ne s’inquiétaient guère des mathématiques ni de ce qu’on appelait les «sciences naturelles», physique et chimie.
Les laïques de Chinon en étaient friands. Cette prof de math m’avait proposé une chambre chez sa sœur, Madame Kérénan, veuve d’un officier de marine, qui avait un splendide appartement, rue de Bellechasse, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Là, mes parents étaient sûrs que je serais bien logé et bien surveillé.
Sèche et anguleuse, ma nouvelle logeuse, d’allure fièrement noble, mesurait ses sourires, empreints de dignité. Elle logeait aussi un docte professeur vietnamien, qui me saluait bien bas, à la mode de son pays, chaque fois qu’il me croisait dans le couloir.
Il venait dix fois par jour m’offrir du thé que je refusais le plus cérémonieusement que je pouvais. Il ne ratait jamais l’occasion de frapper à ma porte si j’avais la visite d’un copain et encore mieux d’une copine. Je l’aurais tué pour tant de sollicitude!
L’appartement, immense et solennel, était garni de meubles anciens et de bibelots de grande valeur. J’avais toujours l’impression de marcher dans un magasin de porcelaines précieuses.