Égypte: le jeu à somme nulle

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Publié 03/09/2013 par Alain Ngouem

Depuis la révolution dite du printemps arabe qui a fait partir le raïs Moubarak, l’Égypte est devenue un grand laboratoire de la complexité géopolitique arabe dont la théorie de jeu à somme nulle s’applique parfaitement.

En fait, non seulement l’élection et la destitution de Mohamed Morsi présentent les enjeux complexes des principales composantes du monde arabo-islamique, la juxtaposition des discours français et américains disent long sur le jeu judéo-chrétien en lien avec le monde arabe.

D’emblée, il faut noter que ce jeu n’est pas que religieux. Il suffit de scruter méticuleusement les positions et les intérêts des principaux acteurs actuels sur la scène égyptienne pour comprendre que tout est revenu au point de départ.

Ainsi, on peut se servir de la théorie du jeu à somme nulle pour expliquer que tout ce qui se passe aujourd’hui en Égypte ramène ce pays à sa situation d’avant la révolution du 25 janvier 2011.

Au départ, Moubarak est l’ami des Américains, des États du Golf, de la Turquie, et il incarne les intérêts de tous ces amis.

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Le printemps arabe qui le fait partir suppose que les cartes seront redéfinies. L’As Mohamed Morsi, Frère musulman démocratiquement élu, fait appel à Al- Sissi qui est un Joker.

Morsi accommode rapidement les Américains par son ultra-libéralisme économique et la garantie de la sécurité d’Israël. Mais Morsi joue le jeu du bord de l’abîme en essayant de repositionner l’aide américaine de plus d’un milliard $.

Al-Sissi, en tout état de cause, révèle son côté Joker et dépose son mentor de Morsi le 3 juillet dernier. Il nargue alors ouvertement à la fois les Américains, l’Union européenne, la Turquie et les Égyptiens «pro-Morsi», en s’assurant un soutien massif des monarchies du Golfe (12 milliards $, dont 5 milliards de l’Arabie saoudite, 4 du le Koweït et 3 des Émirats arabes unis).

Ce que l’on peut appeler la tactique du fait accompli. Mais en toile de fond, on constate que les États-Unis et l’Union européenne peinent à sanctionner le nouveau gouvernement égyptien.

Qu’est-ce que cela veut dire? De toute évidence, cela veut dire clairement que l’armée égyptienne revient aux affaires.

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Ce grand retour aux «bonnes mœurs» présente plusieurs conséquences dont les plus importantes sont;

1 – La reconsolidation des grands partenaires de l’Égypte sous l’ancien régime au nom de l’axe sunnite pro-américain Riyad-Le Caire. Rappelons que la chute du raïs avait constitué un véritable traumatisme en Arabie saoudite.

2 – Le réalisme ou, simplement le pragmatisme politique des États-Unis qui tangue entre le retour de Moubarak après l’avoir lâché, le rapprochement aux Frères musulmans pendant leur règne d’un an qui menaçait à terme la dynastie wahhabite dans les pays du Golfe, ou le soutien discret du nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui est un ancien attaché militaire égyptien en Arabie saoudite.

C’est ce que Raymond Aron ou Hans Morgenthau expliquent à travers le réalisme qui pousse l’État à poursuivre son intérêt national. Et à notre âge, nous n’ignorons plus les intérêts américains dans cette partie du globe.

3 – La montée d’une diplomatie d’agression du Qatar vis-à-vis de l’Arabie saoudite. Car, avec la chute du pouvoir islamiste en Égypte, l’Arabie saoudite tient sa revanche sur son rival qatari.

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4 – La belligérance turque sunnite non arabe vis-à-vis de Riyad. Le président turc Recep Tayyip Erdogan compare le nouveau pouvoir au Caire du chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi à celui du président syrien Bachar el-Assad, qu’il rêve de bombarder depuis des lustres.

Moubarak étant libéré, le jeu peut donc recommencer. L’Égypte qui est le plus vieil espace civilisationnel du monde, nous indique ainsi qu’il faut renouveler nos théories de géopolitique. Le printemps arabe n’ayant été qu’une phase du jeu.

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