Échographie du désir féminin

"Vers le Sud" de Laurent Cantet

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

Avec son troisième long-métrage intitulé Vers le sud, le réalisateur français Laurent Cantet signe une œuvre forte, sensible et réfléchie, qui aborde avec beaucoup de pudeur le tourisme sexuel, décliné au féminin.

Dans Vers le Sud, on parle plus volontiers de tourisme amoureux, dynamique mêlée de fascination, d’attraction et de méfiance entre deux groupes: de jeunes Haïtiens à la peau d’ébène et les Occidentales qui achètent leur affection. Le long-métrage, une production franco-canadienne, a été adapté de trois nouvelles de l’auteur haïtien Dany Laferrière.

Vers le Sud sonde avec justesse la profondeur et la complexité du désir féminin. Ce que la société interdit à une femme de 50 ans – le désir, l’amour, l’appétit sexuel – elle vient le chercher ailleurs, dans une relation décomplexée, sur une plage déserte où toutes les barrières liées à l’âge, à la profession et au statut social, sont abolies.

Au services de ces rôles de femmes, complexes et troublants, trois actrices: Charlotte Rampling, Louise Portal et Karen Young. Ces dernières livrent des performances subtiles qui viennent brosser tout en nuances le portrait de trois femmes, très différentes les unes des autres.

Le désir chez la femme de plus de 40 ans existe encore, fort et pénétrant, et les trois protagonistes du film en sont la parfaite incarnation. «Quand je serai vieille, je paierai des jeunes gens pour me faire l’amour.» Cette citation de Françoise Sagan vient atterrir dans la bouche d’Ellen, le personnage incarné par Charlotte Rampling.

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Si, en règle générale, les hommes vont vers des amours tarifiés en étant capables de séparer sexe et amour, les choses se révèlent être beaucoup plus ambiguës pour le sexe opposé. Vers le Sud montre que dans la relation qui unit Ellen, Brenda et Sue à leurs amants haïtiens, il n’existe pas de scission entre la sexualité et l’amour.

«Attention, ne présente pas d’un côté de sales Américaines, et de l’autre ces pauvres garçons qui sont exploitées par elles.» L’écrivain Dany Laferrière avait envoyé ces quelques mots au cinéaste Laurent Cantet au moment de l’écriture du scénario.

Le réalisateur a suivi son conseil, restant fidèle à l’esprit des écrits de l’auteur haïtien. Tourner le film avec des femmes a permis de couper court à tous stéréotypes et idées reçues.

Ainsi, dans l’œuvre de Cantet, si les jeunes hommes essuient de plein fouet les conséquences d’un quotidien misérable à Haïti, les femmes, elles aussi, ont leur propre fardeau à porter. Au quotidien, dans leur existence confortable et douillette, elles vivent une misère sexuelle qu’elles essaient de tuer le temps de vacances dans les Caraïbes.

Au centre de l’œuvre, toujours prégnante, s’inscrit en filigrane une réflexion sur la place du touriste dans une société qu’il ne comprend pas.

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Pour Laurent Cantet, le point de départ du film aura été sa rencontre avec Haïti. Il y a effectué un premier voyage d’une dizaine de jours, en simple touriste. Ce séjour lui aura permis de découvrir des choses merveilleuses, une culture très riche, mais aussi, la réalité d’un pays accablé par une violence et une pauvreté extrêmes – deux visions pleines de contrastes qui sont confrontées tout au long du film.

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