Du Québec à l’Alberta, Delphine Pugniet a semé sa passion pour l’agriculture biologique

Des germinations poussent dans un local loué à Canmore. La production de Delphine Pugniet se retrouvera dans les assiettes des certains restaurants de la ville. Photos: courtoisie
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Publié 04/04/2020 par Marjorie Lezin

Delphine Pugniet, originaire de Lyon en France, est désormais maraichère en Alberta. Installée depuis cinq ans à Canmore, ville proche des montagnes, elle raconte son chemin à travers le Canada.

Son parcours a germé d’une idée, au Québec, et a poussé jusqu’à la création de son entreprise agricole florissante à Canmore. C’est vert, c’est bio, et c’est bon!

L’autosuffisance

Tout était écrit. En 2014, alors qu’elle est représentante pour l’entreprise agroalimentaire Delpeyrat à Montréal, Delphine se plonge dans la lecture d’un livre Le jardinier-maraîcher, de Jean-Martin Fortier.

Le jardinier-maraîcher
Le best-seller de Jean-Martin Fortier

Dès l’introduction, c’est une révélation. Delphine se sent inspirée par les mots, comme si ce livre avait été écrit pour elle. «J’ai toujours été attiré par l’autosuffisance. Et j’ai toujours su que j’étais faite pour travailler avec mes mains.»

«Dès le début de ma lecture, j’ai eu des insomnies!» Quelque temps plus tard, Delphine s’est présentée dans la ferme de Jean-Martin Fortier. Par la suite, Delphine reste une semaine à ses côtés et participe à une conférence sur la relève agricole à Montréal.

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Elle y rencontre Louise-Marie Beauchamp, propriétaire de terres à Saint-Basil-le-Grand qu’elle loue à de jeunes agriculteurs qui s’essayent dans ce domaine.

Autrement dit, «un incubateur pour la relève agricole» qui permet de cultiver des terres sans avoir besoin d’investir dans du matériel, donc sans prise de risque. Cela lui permet également d’échanger des expériences avec d’autres agriculteurs.

Delphine (à droite) dans les jardins partagés.

Local, biologique, solidaire

Delphine s’installe sur les terres des «Jardins de Marie Bio» où elle exploite les parcelles de Jean-François Gaudrault, agriculteur à ses heures perdues, dépassé par la situation à l’époque. «C’est plus rassurant et moins décourageant quand on est plusieurs et qu’on s’entraide», dit Delphine. Elle sera la main d’œuvre, et partagera les bénéfices de la récolte.

Armée d’une ambition de fer, elle exploite les rangs agricoles de Jean-François et se fabrique même une charrette à vélo afin de transporter les légumes récoltés et fait du porte-à-porte pour les vendre.

Le projet de Delphine fonctionne. Il lui apporte une belle expérience, tout en continuant de suivre scrupuleusement le manuel de Jean Martin Fortier afin d’obtenir un bon rendement agricole sur une petite surface cultivable.

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«Mon outil de travail, c’est le livre», dit-elle. En moins de quelques semaines, de quelques parcelles de terre exploitées au début, le travail de Delphine s’étend désormais sur un demi-hectare et représente un tiers de la production agricole de l’entreprise.

Delphine est au contact de la nature du printemps à l’automne.

Terre contre légumes

L’été touche à sa fin, la production de légumes également. Delphine décide de s’envoler vers l’Ouest canadien pour y passer l’hiver. Elle espère revenir au printemps pour faire un stage de 3 mois aux côtés de Jean-Martin Fortier. Malheureusement, son projet tombe à l’eau.

Une idée lui vient à l’esprit. «Je voulais échanger de la terre contre des légumes. C’était une idée farfelue, mais j’ai découvert que cela se faisait à Calgary.»

C’est ainsi qu’en 2016, Delphine raconte qu’elle prend contact avec une personne qui lui échange quelques parcelles de terre de son jardin afin qu’elle y cultive des légumes. Une partie de sa production sera destinée à la livraison de paniers remplis de légumes de saison, l’autre pour louer les parcelles qui servent à son exploitation.

Delphine devant ses plantations.

Neuf maisons

«J’ai commencé à Vulcan, avec 1 000 $ d’investissements dans des graines et du matériel agricole. Mais ça ne s’est pas passé comme je le voulais à cause d’un manque d’eau dans cette région.» Elle décide alors de s’installer à Cochrane, ville située à 20 minutes de Calgary et 30 kilomètres de Canmore. «Il faisait moins froid et il y avait plus de soleil.»

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«Je suis arrivée à Cochrane, avec tous mes bébés plantes que j’avais fait pousser à Vulcan, à la recherche d’un maximum de personnes qui pourrait m’échanger un bout de leur jardin contre un panier de légumes.»

Delphine agrandit désormais son projet sur neuf maisons différentes. Mais les parcelles sont dispersées et de taille réduite.

«Cela m’a demandé beaucoup de travail et d’efforts sans que les résultats en termes d’argent et de temps soient satisfaisants. À la fin de l’été, j’étais épuisée. Le projet fonctionnait, mais c’était éreintant. Je n’avais plus de vie, j’étais vraiment déprimée, mais je ne voulais pas m’arrêter là.»

«Je me suis posé beaucoup de questions pendant l’hiver pour trouver d’autres alternatives à la revente de mes légumes.»

Delphine dans son jardin à Cochrane en Alberta.

Pleine de ressources

À ce moment-là, Delphine cumule trois différents emplois à Banff.  Intrépide et déterminée, elle cogne aux portes des restaurants afin de s’entretenir avec le chef cuisinier sur une éventuelle collaboration. Le Juniper Hôtel et Bistrot, à Canmore, fut un des premiers restaurants à collaborer avec Delphine.

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«Je leur ai proposé d’être leur jardinière personnelle et de répondre à leurs commandes», se rappelle Delphine de son premier entretien.

Petit à petit, le projet de Delphine prend forme. En 2018, deux restaurants collaborent avec elle. En 2020, il y en a sept. Delphine perçoit cela comme les premières lueurs de la réussite, mais insiste sur un point. «J’ai décidé de faire de la qualité plutôt que de la quantité. Avoir un bel échange avec mes clients, mais aussi pour m’amuser», précise Delphine.

Sa production partagée entre Canmore, où elle fait pousser ses graines jusqu’à sa parcelle à Cochrane, est suffisante pour répondre à ses besoins. Delphine a gagné son pari!

Delphine Pugniet

Respect de la nature

En plus d’être locale, elle exerce son art du jardinage en respectant avec les lois de la nature. «Il y a plein d’alternatives aux pesticides. Par exemple, on peut mettre de la semoule de maïs pour repousser certains insectes, associer certains légumes ensemble pour qu’ils se protègent les uns et les autres, ou bien encore, combiner les plantes maraichères avec des fleurs».

«On guérit souvent le problème sans se demander d’où il vient et sans chercher des solutions naturelles à la source».

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Pour elle, son parcours a été semé d’embuches, de rebondissements et de débrouillardises. Des efforts qui s’organisent annuellement autour de 6 mois de maraichage et 4 mois de récoltes.

«C’était difficile, mais cela valait la peine. En 2020, je peux vivre de mon rêve. Alors, quel que soit ton projet, quand t’écoutes ton cœur et que tu suis ta passion, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas.» Prenez-en de la graine!

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