J’ai un copain qui se nommait Noël. Maintenant, tout le monde l’appelle Solstice d’hiver. Il s’y fait. De plus, il est très fier d’être devenu «multicul». C’est le raccourci qu’on donne au politiquement correct depuis que la juge Marion Cohen a décidé qu’il était offensant d’avoir d’autres arbres que de Paix ou de Solstice.
On avait eu les «verticalement raccourcis» pour les nains, les «techniciens des bois économiquement défavorisés» pour les pauvres bûcherons. Personnellement, j’avais été bien content d’apprendre que je n’étais plus sourd mais «mal entendant» et que je ne risquais pas de devenir aveugle mais seulement «mal voyant». Ma couturière avait été très fière quand elle a appris qu’elle était promue «technicienne de la matière souple» et ma femme de ménage s’est sentie libérée lorsqu’elle a su qu’elle serait désormais classée «technicienne de surface». Les homosexuels se félicitaient d’être devenu des «hormosexuels».
Madame la juge sait bien que, à la porte de la crèche, il y avait un beau sapin. Plus tard, Jésus le décorerait au solstice d’hiver prochain et improviserait un hymne à la Paix en multipliant les petits pains et les outres de rouge, qui n’étaient pas encore son corps et son sang. Mais ça allait venir.
En ce temps-là, en vérité je vous le dis, les Palestiniens ne connaissaient pas encore le bonheur d’être musulmans chez eux. Certains Juifs ne pensaient pas du tout à devenir chrétiens. Colons, ils l’étaient. D’autres qui attendaient déjà leur messie – mais si, mais si! – ne voulaient rien savoir. Même Jésus ignorait tout là-dessus et ne se doutait pas combien il allait empoisonner le monde avec son goût morbide du martyre.
Mais c’était l’époque du politiquement correct sans le savoir. On se trucidait allégrement sans faire autre chose que de l’Histoire Sainte future.