Du Labrador jusqu’à Mossoul

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Publié 27/03/2007 par Martin Francoeur

Non, il ne s’agit pas d’une chronique de voyage. Vous avez pourtant bien lu. Le titre contient deux noms géographiques. Leur particularité est d’avoir donné naissance à des noms communs. Ce sont, vous le savez sans doute maintenant, des éponymes.

Depuis quelques semaines, je vous gave d’éponymes. J’aurais pu m’arrêter après une ou deux chroniques, mais ç’aurait été injuste pour les dernières lettres de l’alphabet. Les découvertes qu’on peut faire en dressant une liste d’éponymes sont stupéfiantes. Et je ne voulais pas vous en priver.

La dernière fois, nous avions passé en revue quelques éponymes commençant par les lettres «g», «h», «i», «j» et «k». Cette fois, je vous propose les éponymes en «l» et en «m». Deux lettres seulement. Parce qu’il y en a beaucoup.

Pour ceux qui ont manqué les deux précédentes chroniques et qui, par conséquent, n’ont aucune idée de ce dont je parle, je me permets de rappeler qu’un éponyme est un mot formé à partir d’un nom propre. Il arrive, en français, que des noms communs aient pour origine le nom d’une personne, d’un personnage mythique ou d’un lieu. On peut ainsi désigner des inventions, des faits, des objets, des lieux, des théories, des arts, des époques, des fleurs, des unités de mesure et bien d’autres choses.

Réglons d’abord le cas du «labrador». Le nom de cette race de chien vient en effet du Labrador, une région située sur la côte est du Canada. Quant à Mossoul, une ville d’Irak dont on a parfois entendu parlé au cours des dernières années, elle a donné son nom à la «mousseline», un tissu fin et léger. Voilà pour le titre.

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La géographie nous a aussi donné le «landau», une sorte de poussette ou de voiture d’enfant. Landau est en fait le nom d’une ville d’Allemagne où l’on a fabriqué des voitures qu’on appelait ainsi. En Grèce, l’île de Lesbos a laissé son nom aux «lesbiennes», pour désigner des femmes homosexuelles. Toujours chez les Grecs, il faut savoir que le «marathon», qui désigne une course de longue distance, vient de la ville de Marathon. Il s’agit d’une ville à partir de laquelle un soldat aurait couru jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire des siens. Il se serait écroulé d’épuisement par la suite…

Les amateurs de légumes connaissent bien la macédoine, qui constitue un mélange de végétaux comestibles. Le nom vient de «Macédoine», une région habitée par des peuples de différentes origines. Vous voyez le parallèle? Du côté de l’Italie, on peut trouver la ville de Magenta, qui a laissé son nom à une couleur primaire d’un ton de rose. C’est dans cette ville que les Français et les Italiens ont vaincu les Autrichiens, peu de temps avant la découverte du colorant qui permet d’obtenir cette couleur.

Enfin, le verbe «limoger», qui signifie «relever une personne de son poste», vient de la ville française de Limoges. C’est dans cette ville que le général Joffre envoyait les généraux qu’il jugeait inaptes…

Les inventeurs et les découvreurs sont aussi à l’honneur dans le merveilleux monde des éponymes. On n’a qu’à penser à Samuel Morse, qui a donné son nom au code télégraphique qu’il a inventé. On peut aussi penser à John Loudon McAdam, un ingénieur écossais qui fit adopter le revêtement de chaussée qu’on appelle encore le «macadam». Si on préfère le transport aérien au transport routier, on peut évoquer le nom des frères Joseph et Étienne de -Montgolfier, qui ont inventé un ballon à air chaud qui s’appelle, vous le devinez, «montgolfière».

Une «mansarde» est une sorte de comble à quatre pans inclinés. Le nom vient de celui de François Mansart, un architecte français qui a popularisé ce type d’aménagement. Voyez le subtil changement du «t» final du nom de l’architecte en un «d» pour le nom commun. En choisissant vos pommes, vous pourriez opter pour des macintosh. Le nom vient de celui d’un pomiculteur canadien (oui, oui!) qui a découvert cette variété. Il s’appelait John McIntosh. Enfin, le «léotard», un maillot porté par les acrobates et les danseurs, doit son nom à Jules Léotard, un trapézise qui portait ce genre de maillot.

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En plus des personnalités, on compte aussi un certain nombre de personnages ou de dieux qui ont contribué au vocabulaire courant, sans le savoir…

À commencer par la Vierge Marie. Vous saviez que c’est au nom de «Marie» que réfère le mot «marionnette»? Les marionnettes sont des figurines qu’une personne cachée fait bouger avec ses mains. Et le nom viendrait du fait que les premières marionnettes représentaient la Vierge Marie. Étonnant, n’est-ce pas?

Un «matamore» est un mot qu’on emploie pour désigner un faux brave. Ça vient de Matamoros, un personnage de soldat vantard dans les comédies espagnoles du XVIe siècle. Quant au «mentor», il s’agit d’un mot qui vient de Mentor, un personnage de «L’Odyssée» qui est le symbole du sage conseiller. Enfin, la «morphine» vient de Morphée, dieu des songes dans la mythologie grecque.

Vous portez des «lunettes»? Sachez que le mot vient de la Lune, le satellite naturel de la Terre, puisque la forme des verres des lunettes rappelait celle de la Lune.

Notons pour terminer que le temps ne saurait se mesurer sans la contribution de cette même Lune, mais aussi de Maia, une divinité italique, de Mars et de Mercure. C’est de ces noms propres que proviennent les mots «lundi», «mai», «mardi», «mars» et «mercredi».

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Je vous retrouve dans deux semaines, avec d’autres découvertes intéressantes!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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