Doublage 100% québécois? Catastrophe

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Publié 03/06/2008 par Sylvio Le Blanc

L’ADQ et le PQ font la paire sur la question du doublage. Ils ont réussi à faire tenir pour l’automne prochain une commission parlementaire pour en parler. Ils aspirent à ce que les majors états-uniens fassent doubler toutes leurs productions au Québec, non satisfaits qu’actuellement 78 % d’entre elles le soient déjà et que seulement 22 % le soient à l’étranger.

Le Parti libéral, quant à lui, veut que les choses restent telles quelles.

Je ne suis pas surpris que le député péquiste Pierre Curzi, ex-comédien et ex-président de l’Union des artistes, réclame 100 % des doublages, car le faisant depuis des années, mais je comprends mal qu’une majorité de Québécois le suivent encore.

Ne voient-ils pas que notre bassin d’acteurs est trop étroit pour rencontrer les futures exigences? Une quarantaine de voix reviennent déjà sans cesse (l’impression que nous avons de toujours entendre les mêmes voix n’est sûrement pas une lubie).

Plusieurs acteurs doublent déjà une vingtaine de personnages importants. Qu’est-ce que ce sera quand notre modeste industrie s’occupera de doubler au grand complet les films et les téléséries (comme Beautés désespérées, Chère Betty, superbement doublées pour l’instant en France) entrant sur notre territoire? Une folie!

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Comme on le sait, il n’y a pas meilleure façon de rompre le charme d’une œuvre doublée que de reconnaître derrière des personnages des acteurs comme Bernard Fortin, cent fois vus ou entendus ailleurs.

Il faut que les Québécois sachent aussi que nos meilleurs acteurs fuient le doublage, le méprisant en quelque sorte. Pierre Curzi lui-même a été sollicité pour en faire, mais il a toujours refusé. Les acteurs vont toujours préférer faire du théâtre, du cinéma, de la télé, et même de la pub, plutôt que du doublage.

Ce qui fait que nos doubleurs ne sont pas nécessairement les meilleurs acteurs possibles.

En France, en revanche, le bassin des doubleurs est immense (les Français sont dix fois plus nombreux que nous, ce qui donne une idée).

Certains pourfendent le doublage français à cause de la langue, quelquefois argotique, qui ne serait pas la nôtre. Pourtant, la langue privilégiée par les doubleurs québécois, appelée communément français «international» ou «normatif», n’est pas davantage la nôtre. Les Français doublent au moins dans leur langue, alors que les nôtres le font dans un fade français d’ambassadeurs. Entre les deux, je choisis celle qui sonne vrai.

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L’industrie québécoise doit actuellement consentir des efforts pour produire ses doublages, car elle est concurrencée par les industries française et belge, mais qu’adviendra-t-il quand elle aura le monopole (donné en cadeau par l’État)? Je crains le pire, vu que les Québécois ne sont pas très exigeants, question doublage, et que les critiques (qui devraient normalement évaluer la qualité du doublage), pour la plupart, privilégient les versions originales.

Comme le doublage québécois est subventionné par l’État (par des crédits d’impôt), il en résulte que le billet de cinéma revient plus cher aux Québécois pour un film doublé ici. Si le doublage était de meilleure qualité que l’autre, j’accepterais volontiers de délier les cordons de la bourse, mais ce n’est pas le cas, loin de là.

Je salue la détermination de la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, dans ce dossier. À l’heure où le Premier ministre Jean Charest parle de libre échange entre l’Europe et le Québec, il serait incompréhensible de fermer la voie, ici, au doublage étranger. Les quelque 6 millions de francophones que nous sommes, assiégés par 300 millions d’anglophones, ont intérêt à maintenir le maximum de ponts avec les francophones européens.

L’ADQ et le PQ font de la petite politique au chapitre du doublage. L’autonomie ou l’indépendance du Québec signifierait-elle pour eux son isolement et son appauvrissement culturel?

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