Donald Trump, le cowboy fringant

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Publié 04/08/2015 par Didier leclair

Les politiciens américains conservateurs sont débordés sur leur droite par le milliardaire Donald Trump, qui a décidé de briguer l’investiture républicaine dans l’espoir de devenir le prochain président des États-Unis.

Monsieur Trump multiplie les déclarations incendiaires depuis qu’il est candidat. Parmi les propos les plus scandaleux, il y a le fait de qualifier les Mexicains venant travailler aux États-Unis de violeurs et de criminels.

Il n’a pas une plateforme si différente des autres candidats sur l’immigration, le mariage pour tous ou l’environnement. Ses propositions exhalent des relents de xénophobie et de protectionnisme, mais il n’est pas le seul au Parti républicain.

Ce qui l’a mis en première place jusqu’ici parmi les candidats à l’investiture de son parti, ce sont ses commentaires odieux qui ornent ses interventions à la télévision ou dans ses discours publics. Ornements si bien placés qu’ils deviennent le centre d’intérêt.

Erreur

L’erreur de nombreux analystes politiques est d’affirmer que les commentaires de monsieur Trump ont pour but de se faire remarquer pour ravir l’électorat des déçus de la politique des ténors républicains. Et qu’en réalité, l’homme ne croit pas à ce qu’il dit. Détrompez-vous. Donald Trump croit fondamentalement à ce qu’il allègue. C’est d’ailleurs pour cette raison que sa cote de popularité grimpe sans cesse.

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Pour la «majorité silencieuse» nostalgique de l’Amérique où le chef du pays était anglo-saxon, protestant et va-t-en-guerre, Donald Trump représente le retour de John Wayne, l’acteur américain qui symbolise cette époque. Dans ses films, l’acteur tirait plus rapidement que son ombre sur les peuples des Premières nations sans le moindre état d’âme, sans souci d’être «politiquement correct». Et bien sûr, dans ces mêmes films, les noirs n’existaient pas.

Comme John Wayne, monsieur Trump est sans scrupule. Il avait mis en doute la nationalité du président Barack Obama en déclarant qu’il serait né au Kenya et comptait le prouver en publiant son certificat de naissance. Ces accusations non fondées et mortes au feuilleton révèlent jusqu’où le milliardaire est prêt à descendre pour être pris comme le véritable gardien de l’héritage anglo-saxon et protestant de son pays.

Il augmente ainsi le schisme qui existe déjà au sein du Parti républicain. En effet, on a ceux qui sont pour l’intégration des minorités visibles au sein du parti et l’acceptation du mariage gai et ceux qui veulent expulser tous les immigrants possibles et qui ne veulent rien savoir des homosexuels même si la Cour suprême a validé leurs unions.

Téléréalité?

Ce qui est inquiétant quand on écoute monsieur Trump c’est le droit qu’on lui donne d’être raciste, sexiste et d’injurier tout le monde y compris le président américain.

C’est nouveau (en Amérique) et c’est un phénomène qui est là pour rester. Ce n’est pas par hasard que celui qui jouit de temps de liberté vient de la téléréalité. Ces programmes de télévision prétendent filmer la vie de gens sans talent dans leur quotidien. Monsieur Trump avait une émission où il s’occupait d’embaucher, de garder ou de chasser des candidats qui travaillaient pour lui.

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La téléréalité a inséré dans la conscience du téléspectateur le droit à l’insulte publique, au racisme accepté sous le couvert d’une émission sans script, sans scénario.

Monsieur Trump poursuit donc dans cette veine quand il fait ses discours agrémentés de haine pour ceux qui osent le contredire ou simplement critiquer sa plateforme politique. Ce permis de vitupérer, cracher et humilier les noirs, latinos et autres minorités est un privilège des peuples majoritaires dans leur pays (ou leur province).

Les autres n’ont aucun droit de jeter leurs immondices en public, même les rappeurs noirs qui sortent des grossièretés ont un «bip» qui coupe leurs récitations monotones. Pas Trump. Lui est libre de rabaisser tout un peuple (les Mexicains en l’occurrence) et certains y voient une simple stratégie politique.

Avant Donald Trump, les politiciens racistes s’excusaient le lendemain. On oubliait tout jusqu’au prochain qui dira ce qu’il pense vraiment des Autochtones. Ce phénomène est du domaine du passé. Aujourd’hui la chasse est ouverte. Le chasseur est de race blanche et le chassé n’a pas la peau pâle. Même Barack Obama est souvent la victime directe de propos discriminatoires. Et il n’y a aucune répercussion.

Violence policière

Face à la logorrhée de Trump, les autres candidats donnent l’impression d’être timorés. Par conséquent, pour que le milliardaire ne les dépasse pas, ils s’y mettent aussi. On tire tous azimuts sur les immigrants qui viennent voler les emplois des Américains.

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Même le mouvement «Black Lives Matter» né du ras-le-bol de la violence policière envers les noirs est tourné en ridicule par certains candidats républicains.

Monsieur Trump est populaire car ses convictions sont partagées par la majorité silencieuse. Va-t-elle le propulser jusqu’au sommet de l’État? Probablement pas. John Wayne n’a jamais été président. Mais peut-être que dans un avenir proche, quelqu’un comme lui y arrivera.

* * *
Didier Leclair est l’auteur de six romans publiés aux éditions du Vermillon: Toronto, je t’aime (2000), Ce pays qui est le mien (2003), Un passage vers l’Occident (2007), Le soixantième parallèle (2009), Le complexe de Trafalgar (2010), Un ancien d’Afrique (2014).

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