À l’instar des bluesmen et des chamanes, Zachary Richard est de cette race d’hommes qui se bonifient – et se tonifient – avec le passage des ans. Ce sont de vieilles âmes, des détenteurs de recettes ancestrales, dont les voix et la prestance nous rappellent que le folklore est, à la base, la formulation de mythes, et que les mythes, c’est inquiétant, voire dangereux.
Alors que d’autres artistes se renouvellent en allant chercher ailleurs, Zachary n’a qu’à plonger ses racines dans les musiques et la mémoire du Bayou – et désormais du Québec – pour en extraire la sève intoxicante. À son plus inspiré, Lumière dans le noir (Musicor/Sélect), son premier album en six ans, conjure la menaçante sensualité de son coin de planète, utilisant la lumière pour mieux découper le profil de ses fantômes.
Le proto-rap de Ô Jésus lance une cinglante profession de perte de foi sur fond de tambours tribaux, tandis que La promesse cassée, magnifique duo avec Cabrel (et la trompette de Wynton Marsalis, cet autre fils de la Louisiane), porte dans ses notes et ses mots et jusque dans son chœur gospel, le poids d’une inébranlable mélancolie.
Qu’il pleure les beaux voyageurs disparus en forêt ou les baleines agonisant sur les rives du Saint-Laurent, Zachary parvient à se faire pardonner les quelques paresses de sa plume (les rimes pauvres ou absentes, la métrique bancale) pour la simple raison qu’avec cette voix de rocaille et ce français de la survivance, il incarne des vérités qui échapperaient assurément aux orfèvres plus soucieux de la forme que du fond.
La grande Gréco
Cela fait plus de 60 ans que Juliette Gréco impose sa griffe aristocratique sur l’art de l’interprète. Pour celle qui fut la muse des poètes de Saint-Germain, Le temps d’une chanson (Universal) représente le temps d’une vie – et d’une carrière – bien remplies.