Chaque génération passe à celle qui la suit un bouquet grandissant de connaissances, véritable flambeau sans cesse plus éblouissant – ce qui explique l’égarement de l’époque que nous subissons, bourrée de savoirs, mais aveuglée par sa brillance et donc sans direction. Et pourtant, grâce aux progrès de la science, nous savons maintenant que le tibia a évolué pour localiser les meubles dans les pièces sombres et que le Père Noël est de bonne humeur parce qu’il sait où vivent toutes les vilaines filles.
Énigmatique devinette
Mais un des mystères qui échappe toujours à l’élucidation scientifique est celui de savoir quel régime politique est le plus susceptible de causer le bonheur chez les humains. Le défi est de taille, comme celui d’identifier la vraie religion, de localiser un moule à tête de veau ou de trouver la clef du compost.
Des diverses teintes et nuances allant du mégafascisme à l’anarchonihilisme, il est aussi difficile de discuter que des goûts et des couleurs. On peut néanmoins affirmer avec un certain degré de confiance que le contribuable moyen aime bien se faire consulter (ne serait-ce que par voie de simulacre) avant de se faire nationaliser son avoir ou son être.
Le plus grand bien
La plus haute mission nationale en ce siècle progressiste est l’imposition de notre concept de civilisation sur ceux qui ne peuvent pas esquiver notre zèle bienfaiteur. Nous leur apportons la démocratie, généralement de force et contre leur gré.
Nous y croyons comme naguère d’autres invoquaient la croix, jurant défendre le bien et le bon. Cette démocratie nouvellement sanctifiée, héritage lointain de la Grèce antique, notre civilisation l’a maintenue dans un état comateux pendant deux millénaires pour la ranimer peu à peu au cours des deux derniers siècles.