Deux éminents juristes à remplacer

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 30/08/2011 par Gérard Lévesque

Le premier ministre Stephen Harper va annoncer prochainement la nomination de nouveaux juges à la Cour suprême du Canada pour remplacer deux éminents juristes qui ont décidé de prendre leur retraite: Louise Charron, originaire de Sturgeon Falls (Ontario) et Ian Binnie, originaire de Montréal.

Le départ à la retraite de la juge Charron est pour le 30 août alors que celui du juge Binnie prendra effet à la date de la nomination de son remplaçant. La Loi sur les juges précise qu’un juge de la Cour suprême du Canada peut, pendant une période de six mois après son départ à la retraite, continuer de participer aux jugements portant sur les affaires entendues avant la date de sa retraite.

Née le 2 mars 1951, la juge Louise Charron a fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale. Elle a obtenu un B.A. de l’Université Carleton en 1972, et une licence en droit de l’Université d’Ottawa en 1975. Admise au barreau de l’Ontario en 1977, elle a exercé le droit au sein du cabinet Lalonde et Chartrand de 1977 à 1980, principalement en droit civil et en droit criminel. De 1978 à 1988, elle a agi comme procureure adjointe de la Couronne pour le district judiciaire d’Ottawa-Carleton, poste qu’elle a occupé à plein temps de 1980 à 1985. Elle a enseigné à la section de common law en français de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, d’abord comme chargée de cours de 1978 à 1985, puis comme professeure adjointe jusqu’en 1988.

Elle a été nommée juge de la Cour de district et juge locale de la Haute Cour de justice de l’Ontario en 1988, et juge de la Cour de l’Ontario (division générale) en 1990. Elle a été directrice adjointe de l’Institut national de la magistrature de 1994 à 1996. Elle a été nommée juge à la Cour d’appel de l’Ontario en 1995 et juge adjointe de la Cour de justice du Nunavut de 1999 à 2004. Elle est juge à la Cour suprême du Canada depuis le 30 août 2004.

Né le 14 avril 1939, Ian Binnie a obtenu un B.A. de l’Université McGill en 1960, un LL.B. de l’Université de Cambridge en 1963 et un LL.M. de la même université en 1988 ainsi qu’un LL.B. de l’Université de Toronto en 1965. Le juge Binnie est admis au Barreau d’Angleterre en 1966, au Barreau de l’Ontario en 1967 et au Barreau du territoire du Yukon en 1986. Il est admis à plaider devant la Cour internationale de justice en 1984. De 1982 à 1986, il est sous-ministre adjoint de la Justice du Canada et, en 1984, il fait partie de l’équipe de conseillers juridiques représentant le Canada dans le litige relatif au golfe du Maine opposant le Canada et les États-Unis devant la Cour internationale de justice.

Publicité

De 1986 à 1998, il est un des associés principaux du cabinet McCarthy Tétrault. En 1990, il agit comme conseiller parlementaire spécial du Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes chargé d’examiner l’Accord du lac Meech et, en 1991, il fait de nouveau partie de la délégation juridique canadienne plaidant devant un tribunal international dans un litige opposant le Canada à la France relativement au tracé des limites maritimes des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il agit aussi comme conseiller du gouvernement de Terre-Neuve au sujet des modifications constitutionnelles à apporter aux Conditions de l’union de Terre-Neuve au Canada. Le juge Binnie est juge à la Cour suprême du Canada depuis le 8 janvier 1998.

Maîtrisant parfaitement les deux langues de la justice au Canada, les juges Charron et Binnie rencontraient les critères de compétence pour accéder au plus haut tribunal du pays. En sera-t-il de même de leurs successeurs ? Ceux-ci seront-ils en mesure de prendre connaissance directement de la jurisprudence et des dossiers qui, dans bien des cas, ne sont disponibles que dans l’une ou l’autre de nos deux langues officielles ? Respecteront-ils le droit des justiciables et des juristes d’être compris sans interprète dans la langue officielle de leur choix ?

Le 7 décembre dernier, le leader adjoint du Parti conservateur au Sénat, le sénateur Gérald Comeau, a expliqué la position de son parti en que qui concerne la compétence linguistique des candidats à un des neuf postes de juges de la Cour suprême: ces personnes n’ont pas à comprendre le français et l’anglais sans l’aide d’un interprète ce qui permet de protéger le droit d’un unilingue d’accéder à l’un ou l’autre de ces neuf postes.

Nous saurons bientôt si le premier ministre suivra cette théorie du nivellement par le bas. Le problème auquel Stephen Harper fait face est qu’il n’y a jamais eu de nomination de juristes unilingues français à la Cour suprême et qu’il n’y en aura jamais.

Publicité

La position énoncée par le sénateur Comeau a toute l’apparence d’une tentative partisane de justifier la nomination au plus haut tribunal du pays de gens incompétents en violation entre autres du statut constitutionnel égal du français et de l’anglais dans les institutions fédérales. (Lire aussi «Les sophismes d’un sénateur conservateur» à
www.lexpress.to/archives/5834

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur