Des tabarnak de bonnes nouvelles!

Luc Baranger et André Marois ont plusieurs ouvrages à leur actif, respectivement 13 et 24. Ils ont uni leur talent et leur verve surtout pour nous offrir un recueil de 13 nouvelles décapantes, dont une à quatre mains. Dans ce recueil intitulé Tab’arnaques, arnaqueurs et «pigeons» en tout genre se côtoient pour notre plus grand plaisir. La triste nouvelle, c’est que plusieurs de ces histoires sont basées sur des faits véridiques.

Baranger excelle dans l’art de résumer tout un pan de vie en quelques lignes finement ciselées et de tirer une conclusion parfois assez crue.

Ainsi, pour décrire comment deux enfants ont eu une jeunesse infernale, il écrit que le garçon et la fille mirent quelques dizaines de kilomètres entre eux et «ce couple infâme qui nous avait gâté l’enfance et pourri l’adolescence jusqu’au trognon.

Et que, d’autre part, la brutale nouvelle de la mort de nos parents ne nous tira pas la moindre larme, pas même de crocodile. Robert et Marie-Ange n’avaient pas été à proprement parler des parents indignes, Isabelle et moi n’avions jamais manqué de rien… sauf peut-être de l’essentiel.»

Dans Les chats ne font pas des chiens, Luc Baranger écrit que, dans les religions, il y a le «Juno d’or catégorie arnaque, le Jutra de la faisanderie, l’Oscar de l’escroquerie et l’Emmy Award de la tromperie sur la marchandise».

Au lieu de mentionner directement le pape Benoît XVI, il écrit «l’ancien ado des Jeunesses hitlériennes qui bénéficie momentanément de la suite royale du Vatican». Dans la même nouvelle, il est question de fausses œuvres d’art que l’auteur qualifie «d’authentiques copies»!

Les figures de style de Baranger ne manquent pas d’originalité, bien au contraire. Dans «Du blond dans l’aile» (savoureux jeu de mot), il écrit que les affaires d’un personnage «commencèrent à sérieusement patiner dans la semoule». Un peu plus loin, il note que le décolleté d’une amante «était si profond que (…) Jimmy faillit demander à Marylou si elle n’avait pas enfilé sa robe à l’envers».

La dernière nouvelle est écrite à quatre mains, c’est-à-dire par Baranger et Marois. Dans «Blanc comme nègre», il est question d’une animatrice-journaliste qui excelle dans l’art de se faire voir et surtout être vue. Le succès de son roman feuilleton se prolonge grâce au travail d’un écrivain nègre qui finit par engager, lui aussi, un écrivain dans l’ombre.

La plume des deux nouvellistes est toujours aussi mordante et les jeux de mots demeurent encore une fois au rendez-vous. En voici un bel exemple: sur les routes de la Saskatchewan «on peut piquer un petit somme et lâcher le volant sans pour autant risquer de finir dans un champ de blé à jouer les céréales killers.»

Les deux nouvellistes raffolent de descriptions composées d’une ribambelle d’éléments. Pour illustrer cette prédilection, je cite trois exemples.
1. Le protagoniste est une «véritable girouette sentimentale et professionnelle, prêt à tout et bon à rien, être frivole, fantasque, fainéant, hâbleur, roublard, vénal, toute juste capable de cruiser ces Marie-couche-toi-là…
2. «Étienne avait tout pour réussir dans la vie: une belle gueule, une bonne santé, une éducation postsecondaire et un déhanché aguicheur quand il dansait la samba.»
3. «Lucie Morisa était une minorité visible à elle toute seule! Chanteuse de variété, animatrice de talk-shows télé et radio, écrivaine, chroniqueure dans les hebdos gratuits, musicienne, actrice, journaliste, critique littéraire, cinématographique et gastronomique…»

Dans Tab’arnaques, Luc Baranger et André Marois font figure de brillants conteurs capable de lever le voile sur des situations à faire frémir mais aussi à faire sourire. Comme quoi la cupidité est, hélas, une caractéristique du genre humain.

Luc Baranger et André Marois, Tab’arnaques, nouvelles, Montréal, Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2011, 256 pages, 22,95 $.