Des pléonasmes redondants

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Publié 30/01/2007 par Martin Francoeur

Combien de fois a-t-on entendu quelqu’un, pensant bien parler, utiliser l’expression «voire même»? D’abord, à l’écrit, on pense que la faute vient du fait d’avoir ajouté un «e» au mot «voir». Il n’en est rien. Employé comme adverbe, le mot «voire» prend bel et bien un «e». La faute, c’est de faire suivre ce mot d’un autre adverbe, «même», qui a pratiquement le même sens que «voire». C’est redondant. Et la redondance, en français, ça porte un nom. Un pléonasme.

D’ailleurs, le mot «pléonasme» vient du grec «pleonasmos», qui signifie «surabondance». On définit tout simplement le pléonasme comme étant une répétition de mots dont le sens est identique.

Je crois déjà bien avoir effleuré dans ces pages le sujet des pléonasmes. Mais récemment, j’ai découvert une série d’exemples fort intéressants dans la Banque de dépannage linguistique, un outil indispensable qu’offre le site web de l’Office québécois de la langue française.

L’exemple le plus fréquent, celui que donnent bon nombre de dictionnaires, est celui de «monter en haut». Quand on monte, c’est forcément vers le haut. Il devient donc inutile de le préciser. C’est un peu comme «se lever debout», qu’on entend aussi souvent.

Certains pléonasmes sont étonnants. On apprend par exemple que l’expression «campus universitaire» est un pléonasme. En effet, le mot «campus» signifie «complexe universitaire, vaste terrain où sont construits des bâtiments universitaires et des résidences étudiantes» et l’adjectif «universitaire» a pour sens «qui appartient, qui a rapport à l’université». Il y a donc redondance puisque les deux termes renvoient directement à la réalité universitaire.

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L’Office québécois de la langue française nous dit toutefois que ce ne sont pas tous les ouvrages de référence qui considèrent l’emploi de «campus universitaire» comme étant pléonastique. Au Québec, par exemple, on a certains «campus collégiaux», c’est-à-dire des cégeps qui comprennent différents pavillons répartis dans un même ensemble immobilier ou géographique. Le mot «campus» aurait donc connu une extension sémantique qui le distingue parfois de l’institution universitaire auquel il est normalement associé.

L’expression «actuellement en cours» est aussi un beau pléonasme. Et je suis certain que vous avez déjà entendu un lecteur de nouvelles, à la fin d’un bulletin spécial, dire qu’ «on retourne maintenant à l’émission actuellement en cours».

En affaires, l’exportation est un créneau souvent très lucratif pour les entreprises. Mais il ne faut surtout pas «exporter à l’étranger». On exporte, tout court. Ou bien on vend à l’étranger. Mettre les deux, c’est commettre un pléonasme, parce que l’exportation est définie comme étant l’action de vendre des biens à l’étranger. De même, on ne peut pas «importer de l’étranger» certaines marchandises… Et la compagnie en question ne pourrait pas, même si elle est la seule à produire ce qu’elle a à offrir, avoir le «monopole exclusif» du marché. Elle peut avoir le monopole et ce serait déjà assez d’exclusivité!

On constate que c’est parfois l’ajout d’un adjectif qualificatif qui crée le pléonasme. Il est inutile, par exemple, de dire «un hasard imprévu», «une illusion trompeuse», «une panacée universelle», «une unanimité totale», «un consensus commun» ou «un but final». Généralement, de tels adjectifs se retrouvent dans la définition même du mot auquel on a parfois tendance à les accoler.

Avec des verbes, il est aussi facile de sombrer dans les pléonasmes. On ne peut pas, par exemple, «s’esclaffer de rire». Le verbe «s’esclaffer» signifie «éclater de rire». Alors on ne peut pas «éclater de rire de rire»!

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Suivant le même raisonnement, on considère comme étant des pléonasmes des expressions comme «s’entraider mutuellement», «réserver à l’avance» ou «abolir complètement».

Il n’est pas facile d’éviter de commettre des pléonasmes. C’est le genre d’erreur qu’on ne voit pas venir, qu’on ne soupçonne parfois pas du tout. Il y a de ces expressions qui sont tellement ancrées dans le langage populaire qu’elles nous font croire qu’elles sont correctes. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Le mieux, c’est d’aller faire un petit tour dans une liste d’exemples, comme celle que propose la Banque de dépannage linguistique de l’OQLF. Il est aussi possible, en entrant «pléonasme» dans un bon moteur de recherche Internet, d’avoir accès à beaucoup de sites ou de textes présentant des exemples de pléonasmes. L’aventure en vaut la peine.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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