Des plantes qui décontaminent

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/01/2014 par Rémy Bourdillon

En traversant l’île de Montréal, on longe immanquablement des terrains clôturés qui semblent à l’abandon, témoins d’une activité humaine qui a depuis longtemps fait ses bagages. Industrie, voie de chemin de fer ou station-service, le résultat est le même: ces terrains sont pollués, et par conséquent impropres à toute utilisation. Sur son site Internet, la Ville de Montréal en recense plus de 500.

Dans son bureau du Jardin botanique de Montréal, Michel Labrecque entretient un rêve pour ces lieux abandonnés: les recouvrir de saules.

Il ne s’agit pas d’une simple idée esthétique: ce botaniste participe à un projet de l’Université de Montréal et de McGill, GenoRem, qui vise à décontaminer des sites en utilisant la technique appelée phytoremédiation: on utilise des plantes pour extraire les contaminants du sol.

«J’étudie comment les végétaux fonctionnent dans un contexte stressé, explique M. Labrecque. Dans ce cas, il s’agit d’un stress environnemental dû à la pollution.»

Son choix s’est porté sur les saules parce que cette espèce pousse bien au Québec, mais ce n’est pas la seule raison: «on peut planter les saules sous forme de boutures dans le sol et en installer des milliers à l’hectare. De plus, certaines espèces poussent très vite. Et plus la plante a une croissance importante, plus les racines sont proportionnellement développées.»

Publicité

Processus lent, mais viable

Or, c’est par les racines que les contaminants seront absorbés, de la même manière que les plantes vont chercher par leurs racines les micro-éléments nécessaires à leur croissance. Les plus solubles, comme le cadmium ou le zinc, peuvent voyager par la sève pour être accumulés dans le tronc et les feuilles. À l’inverse, le plomb ne pénètre pas bien les tissus des plantes, mais il reste bloqué dans les racines.

Au bout d’un an ou deux, les saules deviennent saturés en contaminants, et il faut les couper. Pour M. Labrecque, c’est un autre avantage de cet arbre: «il accepte très bien d’être taillé, il y a une recroissance phénoménale de plusieurs tiges à partir de la souche».

On peut ensuite brûler le bois ainsi collecté. Les cendres doivent être entreposées: au lieu d’avoir des centaines de tonnes de terre à gérer, on se retrouve avec quelques dizaines de grammes de cendre.

Tout ceci peut prendre beaucoup de temps: jusqu’à 30 ans, selon M. Labrecque. C’est long, mais tous ces terrains clôturés depuis un quart de siècle deviennent autant d’occasions manquées.

Champignons vs pétrole

L’autre facette du projet GenoRem, c’est une symbiose entre plantes et micro-organismes. Dans les locaux de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, le professeur Franz Lang élabore des programmes informatiques qui permettent de comprendre le développement des micro-organismes.

Publicité

Les hydrocarbures en particulier, sont difficilement assimilés par les plantes.

Le visage de M Lang s’illumine lorsqu’il montre sur son ordinateur une substance noire criblée de petites taches blanches. Il s’agit de champignons qui ont la capacité de pousser sur une plaque de bitume pur.

«On prend une spore, on la pose sur l’asphalte, et en deux ou trois jours, le champignon pousse! On peut l’utiliser lui aussi en association avec une plante. Il va solubiliser l’asphalte pour que la plante puisse l’absorber en totalité.»

Le défi est de trouver la combinaison adaptable à chaque type de pollution…

Franz Lang voit grand: «les zones d’extraction de sables bitumineux en Alberta sont contaminées par un mélange d’hydrocarbures. Ce sont des surfaces légèrement polluées, mais suffisamment pour que ça coûte très cher de les traiter par des méthodes conventionnelles. On pourrait donc imaginer d’y appliquer un traitement par phytoremédiation à grande échelle.»

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur