Des néologismes «facebookiens»

Facebook
Facebook
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 01/12/2009 par Martin Francoeur

C’est rendu fou. Le réseautage social sur Internet est devenu un phénomène tellement populaire qu’on voit maintenant apparaître tout un vocabulaire parallèle. Et il ne faudrait pas s’étonner de voir certains de ces néologismes faire leur entrée dans les grands dictionnaires, à condition bien sûr qu’ils passent le test de l’usage.

On a fait état, récemment, de la décision de l’équipe éditoriale du New Oxford American Dictionary de désigner le verbe «to unfriend» comme étant le «mot de l’année 2009». Et c’est directement relié à la popularité de Facebook. Ou plus particulièrement de l’action qui consiste non pas à ajouter des personnes comme amis ou amies, mais bien de leur retirer ce statut après un certain temps.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’univers de Facebook, il est bon de noter que chaque utilisateur a un profil, sur lequel il peut émettre des commentaires, ajouter des applications, publier des liens vers des sites externes. Les utilisateurs ont en fait un réseau d’amis, ajoutés par consentement mutuel. Ce que l’on publie sur notre page personnelle de Facebook peut être vu et lu par nos «amis Facebook».

Bien souvent, c’est plutôt agréable. Ça permet de prendre des nouvelles – un peu superficielles, peut-être – de certains amis ou connaissances.

Mais quand certains utilisateurs bombardent de publications ou nous embêtent plus souvent qu’autrement, on peut décider de les retirer de notre liste d’amis. D’où l’utilisation, par les anglophones, du verbe «to unfriend».

Publicité

Dans un article paru récemment dans le quotidien français Libération, Christine Lindberg, lexicographe du dictionnaire Oxford, explique que le mot (to unfriend) «bénéficie à la fois d’un emploi courant dans le contexte des réseaux sociaux et d’un potentiel de longévité», à la manière de son prédécesseur «podcast», sacré mot de l’année en 2005.

«Le choix du mot découle également d’une curiosité grammaticale: la plupart des mots contenant le préfixe «un-» sont des adjectifs (unacceptable, unpleasant) et il existe quelques verbes en «un-», mais unfriend est différent de la norme. Il est construit sur une forme verbale de friend qui n’est pas usitée, du moins pas depuis le XVIIe siècle!», précise la lexicographe.

Et en français? Que fait-on? Les habitués de Facebook vous diront simplement qu’ils retirent quelqu’un de leurs amis ou qu’ils enlèvent untel de leur liste d’amis.

Il n’y a pas de verbe plus concis qui circule pour désigner cette réalité. Il faut dire qu’il n’y en a pas plus pour désigner le fait d’ajouter quelqu’un à ses amis. On peut dire: devenir ami avec untel sur Facebook. Mais rien de plus court. Pas de verbe direct, comme en anglais. Comme le note Mme Lindberg, on ne dit pas: «to friend someone on Facebook».

Difficile donc de chercher un verbe français pour traduire ce «unfriend». Sur certains forums de discussion, on parle de «désamifier», de «désamir» ou de «désamitier».

Publicité

Ni l’un ni l’autre ne semblent appropriés parce que les verbes ainsi soudés au préfixe «dé-» ou «dés-» n’existent même pas. On n’«amifie» pas quelqu’un sur Facebook. Pas plus qu’on ne l’«amitie» ou qu’on l’«amit».

L’univers technologique des réseaux sociaux sur le Web est vaste, mais il y a encore des trous. On peut aussi penser au «poke», qui consiste à saluer quelqu’un en lui faisant un petit signe. Aucun terme français ne désigne cette action.

Et le verbe «to poke» n’a pas non plus d’équivalent. Même chose pour «to tag», qui consiste à identifier quelqu’un sur une photo que l’on publie. Le verbe français «étiqueter» ne désigne pas vraiment cette réalité. Et «identifier» demeure encore assez général.

Les anglophones, eux, n’hésitent pas à créer des néologismes originaux pour s’adapter aux nouveaux phénomènes sociaux reliés à l’utilisation de technologies de communication.

La preuve, c’est qu’il y avait quelques autres mots nouveaux qui étaient dans la course au titre de «mot de l’année 2009» du New Oxford American Dictionary, dont le savoureux «intexticated».

Publicité

Le mot désigne une personne «distraite par l’écriture ou la lecture de textos sur un téléphone portable lors de la conduite d’un véhicule».

Là encore, aucun équivalent français. Mais dans Libération, ils ont proposé «textoxiqué», qui est, avouons-le, approprié. Malgré le fait que c’est un vire-langue en soi!

Tous ces mots sont intéressants parce qu’ils ont ce qu’on appelle du «lex-appeal».

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur