Des mots à sauver

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 11/03/2008 par Martin Francoeur

Une collègue journaliste m’a suggéré, récemment, de jeter un coup d’œil sur le plus récent ouvrage d’Hubert Mansion, un auteur montréalais d’origine belge. Elle connaît bien ma passion pour la langue française et ma curiosité face à tout ce qui s’y rattache. Et quand on me suggère un livre qui a un lien avec le français, ses particularités, ses difficultés ou ses curiosités, je suis habituellement heureux. Et quand je suis heureux, il m’arrive de m’emballer. Au point de vouloir partager la trouvaille avec tout le monde!

L’ouvrage s’intitule 101 mots à sauver du français d’Amérique et est publié aux éditions Michel Brûlé. Sa sortie en librairie est prévue pour le 12 mars.

C’est bien connu, il existe des dizaines voire des centaines d’ouvrages sur le français que l’on parle au Québec ou dans le Canada francophone. Des dictionnaires de canadianismes, des lexiques du français québécois, des livres sur les québécismes ou sur les expressions propres à la langue française telle qu’on l’utilise ici. Plusieurs de ces ouvrages trônent dans ma bibliothèque mais traînent rarement sur ma table de nuit.

Avec 101 mots à sauver du français d’Amérique, c’est pourtant ce qui s’est produit. L’auteur nous propose 101 articles portant sur des mots ou des expressions qui sont bien vivantes chez nous ou qui l’ont déjà été, au point de marquer la littérature aussi bien que la culture populaire.

Certaines entrées présentent des classiques en matière de québécismes ou de canadianismes. Un «campe», de la «boucane», de la «slotche», un «prélart», un «quêteux»: on les retrouve tous. Certaines histoires derrière ces mots sont tout à fait savoureuses. Et parfois, ce sont les sens d’origine de certains mots qui nous surprennent. L’auteur nous raconte, dans plusieurs cas, le trajet fascinant que ces mots colorés ont emprunté pour atterrir dans l’usage courant.

Publicité

Il y a aussi plusieurs verbes qui nous sont familiers: «greyer», «assir», «canceller», pour ne nommer que ceux-là, sont au rendez-vous.

Mais on s’étonne aussi de constater qu’Hubert Mansion a retenu certains verbes moins connus et qui renferment, ma foi, toute une dose de poésie.

Ainsi, «se soleiller» signifie «prendre du soleil». Pour être davantage de saison, on trouve aussi le verbe «friler», qui serait un verbe ancien, le seul qui peut remplacer en un mot «avoir froid». Les Acadiens disent «frediller». Autrefois, on conjuguait le verbe «friler», alors qu’aujourd’hui, il ne subsiste de cette famille que l’adjectif «frileux».

Certains mots plus contemporains, souvent importés de l’anglais sans modifications ou à peu près, sont aussi cités par l’auteur. C’est le cas de l’adjectif «cheap» ou des noms «squeegie» et «g-string».

Même «refill» est listé dans le sens qu’on lui connaît, celui de «dose supplémentaire de café», que l’on sert gratuitement dans les restaurants.

Publicité

On va de trouvaille en trouvaille dans ce petit ouvrage. Le mot «caucus», par exemple, a une histoire bien singulière. Contrairement à ce que l’on pourrait croire et malgré sa sonorité, il n’est pas d’origine latine.

Il vient de l’algonquin «cau-cau-as-u», qui signifie «celui qui conseille». «De mère algonquienne et de père anglais, mais s’exprimant aujourd’hui en français, caucus semble né à Boston en 1750. Adoptons cet enfant métis qui n’a pas de jumeau dans son sens de réunion secrète, ou au moins discrète», écrit Hubert Mansion.

Les commentaires de la sorte côtoient les revendications légitimes. En plusieurs endroits, l’auteur se demande pourquoi les bonzes de la langue française refusent d’admettre tel ou tel autre mot. Il insiste parfois sur le fait que certains d’entre eux n’ont pas de véritable équivalent, comme «cheap».

Il réclame aussi la sauvegarde de certains mots, comme «lounge», dont l’orgine anglaise vaut bien celle de «bar».

Et il rappelle enfin que certains termes que l’on considère parfois comme étant des anglicismes (canceller, mappe ou barguigner) sont bel et bien des mots français qui ont été utilisés à une certaine époque.

Publicité

Quelques expressions, enfin, se glissent dans l’ouvrage: marcher à la godille (marcher en se tortillant le derrière), passer l’eau (venir de France au Canada) et être à la hache (ne plus avoir d’argent) en sont quelques exemples.

101 mots à sauver du français d’Amérique est en fait beaucoup plus qu’un ouvrage qui répertorie des mots ou des expressions bien de chez nous. C’est aussi un vibrant plaidoyer et une invitation au voyage. Un voyage dans le monde merveilleux de l’histoire des mots, souvent hors des sentiers battus.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur