Des mains magiques habillent Carmen

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Publié 02/03/2006 par Marta Dolecki

Des dizaines de robes, des chemimes rouge vif, des capes de matadors peintes et dorées à la main, peuplent la scène du dernier Carmen, une co-pro-duction Montréal-Toronto-San Diego. Cet opéra qui a connu un succès posthume, longtemps auréolé d’un parfum de scandale, est présenté jusqu’au 23 octobre pro-chain en français, avec des surtitres en anglais, au Hummingbird Centre.

Il travaille dans l’ombre, mais ses créations brillent de tout leur éclat sous les feux de projecteurs. Le Québécois François St-Aubin a réalisé les quelque 300 costumes qui viennent habiller les solistes, les choristes et les figurants du célèbre opera de Bizet.

«Tout le monde a vu, entendu ou rêvé à des Carmen différentes. On peut l’adapter d’un million de façons», estime François St-Aubin, en entrevue téléphonique depuis Montréal. «Avec cette production, nous avons voulu éviter de tomber dans le côté tzigane et les costumes de bohémienne. Notre Carmen détonne un peu, elle est un plus moderne, plus latino, sexy, un peu plus jazzy», fait valoir le costumier.

Sur scène, les robes rouge sang de Carmen, les costumes d’époque de ses amants et des autres figurants ancrent l’action non plus dans l’Espagne vivante et passionnée des années 1830, mais dans une Amérique latine bouillonnante et exubérante, saisie au beau milieu des années 1930-40.

François St-Aubin explique qu’il a conçu les costumes de Carmen en fonction d’une esthétique épurée, délivrée de toutes fioritures et surcharges propres à certains opéras. Les coupes des vêtements, les robes, sont ici simples et cependant soignées, travaillées dans le moindre détail.

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«Je considère souvent à l’opéra que les costumes sont trop bavards, qu’ils ont tendance à dire beaucoup trop de choses. L’idée, dans les vêtements que je crée, est de donner sens à une lecture. Le spectateur est ensuite assez intelligent pour comprendre. Je pense que le public est maintenant prêt à se livrer à une inteprétation moins littérale des œuvres. C’est à lui de décider, et de donner du sens de ce qui apparaît sous ses yeux», estime François St-Aubin.

Les images qui s’imposent d’emblée à l’esprit lorsqu’on pense à un défilé de haute-couture sont ces filles souvent longilignes qui portent un vêtement destiné à la vente. Le costumier François St-Aubin, lui, aime les corps avec leurs défauts – grands, petits, maigres, gros – et rien ne lui fait plus plaisir que d’habiller la diversité de silhouettes et de formes humaines qui prennent vie sur scène.

«Lorsque l’on ramène une œuvre à ses costumes, ça a toujours rapport à l’intime. Ce qui m’intéresse, c’est justement l’humain, le rapport avec les personnages qui sont sur scène, dit-il. Ce que j’aime le plus c’est d’avoir une pièce, un scénario, un synopsis, et de créer des personnages à partir de corps humains qui sont différents. C’est toujours fascinant de voir ce qu’on a imaginé se transporter d’une personne à l’autre.»

Francois St-Aubin explique que le travail autour des costumes de Carmen a nécessité beaucoup de patience et de minutie. Une équipe d’une dizaine de personnes s’est consacrée au spectacle pendant en-viron neuf mois.

Le costumier n’a privilégié aucun matériau en particulier. Soie, velours, polyester, tous les tissus ont été utilisés à bon escient et avec mesure. François St-Aubin a réalisé ses croquis directement sur ordinateur pour ensuite les présenter au metteur en scène.

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À Toronto, l’esthétique moderne proposée par le costumier n’a pas été pour plaire à tout le monde. Le critique du Globe and Mail a par exemple déploré le fait que, dans la mise en scène proposée par l’Opéra de Montréal, Carmen n’avait jamais vraiment eu l’air d’une bohémienne. «C’est toujours la même affaire, s’exclame François St-Aubin. Dès que l’on joue Carmen, les critiques nous ressortent encore l’histoire de Maria Callas. Hélas, c’est une question de culture, je suis convaincu que si l’on présente encore des pièces comme Carmen ou Aïda, on se doit de faire des lectures un peu plus modernes.»

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